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Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/316

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232 LA FliMMl’ DE CHAMBRE.

l)ari , et de l’autre, de nobles sacrifices ; j’ai vu de généreuses femmes de chambre,

iprés des efforts désespérés, résigner noblciiicnt leurs fondions, et se retirer vaincues,

mais non hunïiliées !

Qui pourrait compter les mérites de la femme de chambre parvenue ;"i son entier développement ? Klle a mesuré l’étendue de ses devoirs et compris les difficultés de sa position. Elle appelle à son aide et met au service de sa maîtresse tout ce que la nature lui a donné, tout ce que rexyiérience lui a appris. Elle connaît sa maiiresse jusque dans les plus petits recoins de son àme ; elle l’a vue et observée dans toutes les circonstances ; elle sait ce qui lui plaît, ce qu’elle désire, ce qui l’attriste, comment on la console et comment on la touche ; elle sail son passé , son présent , presque son avenir ; elle sait ce qu’elle a aimé , ce qu’elle aime , et ( peut-être même ) ce qu’elle aimera. Elle la sait par cœur, elle l’étudié depuis si longlemps ! Comment voulez- vous (pi’elle se trompe dans les demandes qu’elle lui adresse , dans les projets qu’elle forme , dans ce qu’elle espère comme dans’ ce ((u’elle craint ? — .le_prévois ici une objection ; n Votre femme de chambre , nie dit-on , est une confidente : or, nous ne reconnaissons pas l’identité. Toutes les dames ont une femme de chambre assurément, mais toutes nos femmes , Dieu merci, n’ont pas besoin de confulentc. — Pardon , messieurs, il y a entre noijs un malentendu, .l’honore infinimeni le-, femmes , eu général , cl les vôtres en particulier. Mais je sais aussi que le chef-d’œuvre de la création est un être fragile autant que nous , et beaucoup plus délié et subtil. La ruse est sa force , le mystère son élément. J’admets les degrés et les nuances en toutes choses ; mais vous m’accorderez en revanche que la femme même la plus irréprochable a ses peUt.s secrets et ses innocentes cachotteries. Dès lors nous ne différons évidemment que du plus au moins. Adoucissez ou foncez les nuances A votre gré, le Irait subsistera toujours, et le portrait n’eu sera pas moins vrai.»

Et maintenant , Dorine, que tu as ainsi fourni ta carrière uniforme et si bien remplie , glanant furtivement pour loi (piel(|ues bonheurs fugitifs dans ce vaste champ où tu semas pour les autres tant de joies secrète> et de billets doux ! maintenant que les beaux messieurs ne s’arrêtent plus pour le voir passer ; maintenant que l’amour s’est enfui , et que le temps a , du bout de son aile, enlevé le noir brillant de les yeux et le vermillon de ta bouche mignonne ; maintenant que lu caches les cheveux et que lu n’oses plus sourire ; mainlenant ipie tu as tout perdu , jusipi’A Ion joli nom de Dorine, viens , ma bonne Marguerite ; nous aous bien vieilli tous les deux depuis ce jour... Hélas ! le temps a détruit notre nid <•( nous n’avons plus d’ailes. De ceux <|ue lu aimas, plusieurs t’ont délaissée, beaucoup t’ont oubliée ; moi , je me suis toujours souvenu... Viens, prends soin du vieillard comme tu pris soin de l’enfant, pauvre femme <|ui prodigues aujourd’hui tes derniers jours comme lu donnais autrefois tes jeunes années ! ,1e ne te défends pas de m’aimer encore, Marguerite, mais si la veux que je t’aime, délivre-moi de mon rhumalisiue... Apporte mes paiiloulles, ma bonne vieille gouvernante ; bassine bien mon lil . et fermi’ avec soin la porte en t’en allant. .Vdieu , Dorine. Bonsoir, Marguerite.

.VutiisTK i>K L.vr. iinix.