Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/327

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L’AMI DtS AliïISIIiS. 211

Parfois on lencoiilre aux Tuileries certains vieillards à ro ?il vifaiimili-Mi duii masque usé , pâle , sillonné de rides lonijiludiiialrs. Velus avec propreié et h la i ;iode de demain , ces jeunes yens d’un aulre siècle ont giand’peine à vivie entre les murailles de leurs redingotes pincées qui sobstinent à faire prendre à un vieux corps des allures adolescentes, maugré des rébellions de la carcasse. Appuyés forlemeni . mais avec hypocrisie, sur des joncs plus rohnsles qu’ils D’en ont lair, ces messieurs se dandinent

le long de l’allée des Feuillants, montiant les façons agréables de gens qui marchent sni- des œuls. Un binocle pend h leur cou soigneusement ahrilc

par une cravate blanche, haute, direcloiiale ,

destinée h masquer les (lasques ondulations de la pcan aux régions sous-niailIaires. ?ousdescha-

pcanx irréprochables, ils rassemblent en touffes, de chaque côté<lu visage, à force de tirer et de

rouler, certains cheveux empruntés on ne sait oi’. Les poils qui sont nés sur la nuque, forcés à de

longs voyages, parcourent les deux tiers de la

sphère occipitale et s’en viennent expirer, éparpillés et maigres, au bord des déserts frontaux.

Toutes les ressources sont employées, tous les

côtés faibles défen lus, et chaque jour fliabilc général dispose les débris de ses troupes sur la brèche ouverte.

Ainsi affûtés , apprêtés , bichonnés , ces gens d’un âge indicible , d’un sexe même problématique, tant ils se sont cpilés dès leur première gelée blanche, s’en voni raides comme bâtons, poupées "a ressorts , momies galvanisées , colportant çii et la un éternel sourire stéréotypé sur un double râtelier de Pernet. Suivez un de ces originaux depuis une heure de l’après-miili ; c’est l’instant de leur lever. Après une courte promenade, i) se rendra au cabinet de lecture. Les feuilles du jour parcourues, seconde promenade, suivie d’une visite au pastrfi-conk , puis ii . un club quelconque, où il ne trouvera que le garçon de chandire. Kniin nouvel assassinat du temps jusqu’au dîner , après quoi séance énorme, et non sans doi inir. dans un café, A tontes les minutes du jour, cet homme a bâillé, les signes de l’ennui le plus pesant, h’ plus épais, se sont traînés sur son visage ; son cpine dorsali’ llcchissait même sous le poids de l’ennui ; l’ennui faisait flageoler ses jambes. Huit heures sonnent, et voilà qu’il se réveille, secoue le plomb dont il est comnnappesanti, remonte jusqu’à ses oreilles ses faux-cols en talus, ramène sur l’occipui son cheveu épars au fond du chapeau , se sourit avec bonté , s’embrasse et se précipite joyeux, en fredonnant Adolphe et Clara, hors du Coffce liouse (car il recherche les établissements anglais, on ne peut que l’a s’ennuyer six heures sans être interrompu). Ce brave homme ne vit iiue quatre heures, non par jour, mais par nuit. Il est /’«i)(i des acteurs, des actrices du vieux temps, et de ces auteurs tragiques déjà rares, espèces disparues comme les mastodontes, lesquels { lesquels auteurs) sont situés dans 51