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2()2 LE PAIR Dl- FRANCE.

réconcilient ni avec nne démocratie jalouse, ni môme avec la nation, (jui la voit d’un œil méfiant, parce ([u’cllc imagine, ; tort sans doute, que la pairie regrette l’hérédité, cl parce qu’elle regarde, avec plus de raison, cette Chambre comme un instrument forcé des volontés ministérielles, puisqu’un ministre iieul faire des pairs par fournée quand il doute de sa majorité.

Il est difficile de savoir au juste si la pairie gagne ou perd en considéra ! ion , en joignant à ses fonctions législatives des attributions judiciaires. Cette question, et beaucoup d’autres qui se rattachent Ji la pairie, ne sont pas de notre sujet ; ce n’est pas précisément de l’homme politique que nous voulons parler ici ; ce n’est pas seulement revêtu de son habit bleu brodé d’or, et assis sur son siège inamovible, que nous voulons présenter un pair de France : nous entendons parler d’un type singulier qui se perd sans se reproduire , parce (|ue nos institutions, nos mœurs, notre éducation, tout change, tout se modifie, et (|ue r ;>-propos d’une restauration , (|ui l’a fait revivre, ne se présentera plus. Il n’est peut-être pas indifférent de rassembler ces traits fugitifs tandis qu’ils sont encore sous nos yeux. L’homme dont il s’agit, c’est ce gentilhomme de nom et d’armes que la Charte de Louis XVIII rattacha avec des droits nouveaux à l’ancienne pairie de ses ancêtres, et qui remonte ainsi jusqu’A Charlemagne, aussi clairement (pu’ tout bon pair d’Angleterre doit remonter au roi .rthur, ou du moins à Guillaume le Coiu|uérant. Ce noble pair porte insoucieusement un beau nom ; il n’y a personne au monde à qui il soit précisément altaehé, si ce n’est son agent de change , qu’il conseille bien , mais avec lequel il ne se familiarise cependant pas trop ; il a le coup d’œil [lolitique bon , sous le point de vue néanmoins de son intérêt personnel , cl de celui de sa caste. Il a vu facilement (pie le terrain de la Chambre n’était pas favorable ù une lulte avec le ministère : on ne gagne à cela qu’une popularité incertaine , et , selon lui , inutile. Sa popularité, il la place ailleurs ; il vote donc avec le ministère, ou il s’abstient : mais il est l’ami des ministres, qui sont pour la plupart ses compagnons d’enfance, de plaisir, ou ses alliés. Les ministres le préviennent , le saluent , l’abordent ; ils lui font mille cajoleries ; lui , les reçoit dignement d’un air libre et dégagé , comme un homme (pii donne son vote sans rien demander en retour ; il arrivi’ néanmoins tout naturellement que ses plus proches parents sont placés, ses petits-neveux bien pturvus, et que les citoyens dont il est te patron font fortune.

Nous sonnnes tous égaux devant la loi : il n’y a plus de dîmes ni de servage, iilus de corvées ni de droit de main morte ; comme nous ne reconnaissons, non plus, ni fîefs, ni alleux, ni haute ou basse juridiction ; il y a des impôts consentis par les Chambres , et également répartis sur tous les citoyens, dans la proportion de leur fortune :

le pair est grand propriétaire, il est donc un des plus imposés de son département, 

et fait partie du conseil général : c’est là ([u’il brille. Dans ses terres, il est seigneur suzerain ; au conseil général , il est président. Si le département veut s’imposer (’traordinaircment , il fixe le nombre des centimes additionnels ; si la commune veut un pont , un chemin vicinal ; si elle désire couduire sur telle ou telle ligne le tracé d’un chemin de fer, avoir une école primaire ou secondaire, une salle d’asile, c’est lui que cela regarde : il se charge de tout , aplanira toutes les difficultés -, il parlera aux miiiis-