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Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/363

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LE l’AIR DE FRANCE.

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-« :

l’ailoplion ou le rejet d’un article ; mil n’a laissn loniber plus de boules que lui dans l’urne du vole ; depuis i’assendtlée des iioiables , il vote ; c’est le Nestor des asscmbli’es délibérantes de l’F-urope, et peut-iMre du monde ; s’il a (juitlé son moelleux fauteuil, s’il néglige son rhume, s’il se roidit coiilre les étreintes douloureuses de sa sciatique, c’est (|ue la chambre va voter.

Celui qui le suit est un homme jeune encore ; son habit neuf resplendit d’un or brillant que l’atmosphère de la chambre n’a pas altéré : c’est un nouveau pair. Il foule les tapis d’un pied orgueilleux ; il passe devant le banc des ministres et salue d’un air recomiaissant. C’est au ministère, en effet, (pi’il doit sa position nou- .velle. Candidat malheureux , dans son département, ancien député trop facile, suivant ses

mandataires aux suggestions du iiouvoir, une

ordonnance royale a vengé sa défaite : il est pair parce qu’il n’a pu être député.

Le public des tribunes a souvent souri en

entendant les orateurs de la chambre des pairs se renvoyer les uns aux autres les épithètes les plus exagérées. C’est toujours le noWc, VLllustre, le .sai’nnt , ou le {vH-judicieux prcopin/int. Le public a tort de sourire et de s’étonner, M.M. les pairs étudient les grands modèles et ils les imitent. Ouvrez Cicéron in Catil. : Si fortissimo viro M. Marcello dixissem. Si j’ tuais A répondre à l’illustre maréchal, dit l’orateur de la pairie. Quand Cicéron veut parler de quelque prêtre romain, clarissimus ampUssimusquc pontifex-maximus , dit -il ; A la chambre des i)airs , si l’on vient A prononcer le nom de l’archevêque de Paris , on dit : cet émincnt et vénérable prélat, .lamais l’orateur romain ne prononce le nom d’un consul sans y joindre des superlatifs sonores ; s’il s’adresse à un général, c’est fortissimus’vir ;

"i un jurisconsulte , do^tissimus ; enfin, s’il parle ; un adolescent, à un de ces jeunes

hommes , chez lesquels, suivant lui-même, on ne peut louer que l’espérance, il a néanmoins l’art et le soin d’accoler : ce nom encore inconnu une qualification louangeuse, ô ndolesceiis optimiis . s’écrie-t-il. On en use de même A la chambre , et ce n’est sans doute par aucun orgueil aristocratique, mais tout simplement pour faire de l’éloquence cicéroniennc.

Tous ces hommes, jeunes ou vieux, magistrats ou industriels, anciens préfets ou agronomes, sont des pairs , il n’y a nul doute A cela ; mais la figure qui se présente A l’esprit quand on songe A un pair de France est celle de l’homme qui porte un grand nom, a des terres, des châteaux, dont la famille est citée dans l’histoire, et qui, par son Age, sa fortune et son passé, est au-dessus de toute ambition présente et de toute position A venir.

Si on jette ensuite ses regards en dehors des traits rassemblés dans cette esquisse, on se rappelle involontairement cette maxime :