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Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/371

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L’ÉLÈVE DU CONSERVATOIRE. 275

jette sur notre pauvre monde des re[ ;ards de pitié, et semble vivre avec les héros et les princesses de la Mclpoméneanliqiie. Son père, la flrtte, et sa mère, ancienne nicrcicre du passage des Panoramas , et aujourd’hui buraliste de première classe au théâtre royal de l’Opera-Coinlipie, sont en admiration devant elle. Ils respectent comme des ordres souverains les moindres volontés d’Herniinie. 11 lui suffit de froncer le sourcil pour faire trembler toute la maison. — Son i)ère, la fliUe, a coutume de dire, en jouant aux dominos au café Mincne :

« Voisin Mignot, vous avez entendu ce malin Herminie... Hein ! connue elle a déclamé son monologue !... Quel œil et quel nez ! Ah ! si elle avait vécu du temps de ce farceur de Racine , bien srtr qu’il ne se serait pas accoquiné ;> la Chani|>meslé. »

Herminie est toujours en dehors de la vie réelle ; elle affecte d’être absorbée par l’art. On vient lui dire que la table est servie, et elle répond en roulant de gros yeux :

Seigneur, dans cet aveu dépouillé d’artilice,

.l’aime à voir que du uioins vous vous rendiez justice. «Herminie, il est deux heures, veux-tu faire un tour aux Tuileries avec ta cousine Fibochon ?

Herminie s’écrie en posant une main sur son cœur et en élevant l’autre vers le ciel :

Oui, vous l’aimez, perfide !

Et ces mêmes fureurs que v eus me dépeiiîiiez , Ces bras que dans le sanj ; vous avez vus l)ai ;i ;nés , Ces morts, celle Lesbos , ces ceiulres , celle llamiiie, Sont les Irails dont l’amour l’a gravé dans voire âme. « Elle est folle ! dit la cousine Fibochon.

— ÎVIais non, cousine, reprend la mère Soufflot ; vous ne voyez pas qu’elle est en plein dans Vaspiration.

Herminie est ordinairement courtisée par plusieurs clercs de notaire et autant de commis-marchands en nouveautés , riu’elle tient à une respectueuse distance. Parmi tous ces Lovelaces en herbe , elle finit par en distinguer un. Il lui a plu , parce qu’il a une chevelure noire et épaisse qui rappelle celle du bouillant Achille. A celui-lA elle permet de se trouver quelquefois sur son passage et de ramasser son éventail ou son bouquet lorsqu’il lui arrive de le laisser tomber ; mais rien de plus. La muse tragique est une vierge forte et altière , qui dédaigne les hommages des mortels.

Herminie va en soirée dans son quartier ; elle est fort recherchée par la famille du bonnetier du coin et par celle de l’escompteur de papier qui demeure au premier étage de sa maison. Ce mot de théâtre a tant de puissance sur la population parisienne !

Ce n’est plus à Paris que les comédiens seraient bien venus A se plaindre du