Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/387

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LE POSTILLON. 28»

rheiiient en Irébucliemetil , de cluile en cliule, il arrive enfin au |iie<l de l’autre : alors on le hisse sur le trélean pliilnl (|n’il n’y nionle lui-même ; on lui met le fouel en main , el comme, à tlessein . la selle esl demeurée veuve de ses élriers , el que les janihes du ravalier, céilanl au poids énorm<’ i|ui les enlrati :e, pendent, à sa grande souffrance, de loule leiu’ lonj ;ueur, on dirai !, à le oir ainsi perché, d’une de ces ti( ;nres de Iriompliateur romain peinle ou lissée dans ((ucique aniique tapisserie de Flandre, rommencc aussitôt, au milieu des rires et des lazzis de toute sorte, l’examen du récipiendaire, espèce d’interrogatoire que son sel fort peu aiiiqiic nous interdit de reproduire. Chaque demande, cha(|ue réponse devient le sujet de nouvelles €"cclamations joxenses. Un nom lui est donné, nom de guerre, qui peul-étre remplacera pour toujours son véritable nom. .rrive enfin cette dernière question, prononcée d’inie voix sidennelle : " Tu as eu Ii’ courage de monter sur ce clunal, jeune lionnne, sais-tu comment on en descend ? » Quelle que soit la réplique du malheureux, ces mots sont le signal de son supplice : à peine ont-ils été prononcés, que les planches qui recouvi-enl l’auge disparaissent sous les efforts instantanés des spectateurs les plus voisins. Le tréteau tomlie de tout son poids dans l’eau dont elle esl remi)lie, et entraîne nécessairement dans sa chute l’inhabile cavalier : mais ce bain n’est point encore assez pour la purification du novice : cha(|ue assistant, ai’niéd’un seau ren]|ili à l’avance, vient l’iinnicrger à l’enxi, et il ne recouvre sa liberté qu’après avoir consenti û arroser à sou tour le gosier de ses anciens d’un nombre de litres illimité.

Laissons le malheureux se remeltre de la rude épreuve à laquelle il vient d’élre soumis, et examinons les figures qui nous entoinent.

Vieilles el jeunes, toutes ont un galbe particulier, du partie à la fatigue el aux veilles inséparables du métier, partie à l’intempérance, qui se trahit sous une peati plus ou moins bourgeonnée.

L’une d’elles surtout esl remarquable : couronnée de rares cheveux presqne blancs résumés dans une petite queue, image dégénérée de l’énorme catogan, gloire des postillons du siècle dernier, elle a|>partienl an père Thomas, qu’achèvent de caractériser le serre-lèle blanc noué autour du front . l’escarpin à boucles d’argent , le bas bleu et le iianlalon de peau descendant jusqu’à la clieville qu’il embrasse étroi- ’ temenl. Agé de près de soixante ans. ses services datent du camp de Boulogne, et rien, en aucun temps, pas même la crainte de perdre un état qu’il ne saurait quitter sans en mourir, n’a pu l’engager à se séparer de deux choses qu’il estime avant tout, le portrait de son empereur, con)me il le nonnue. et ces quelques poils réunis qui lui rappellent ses plus beaux jours. Excellent |)ostillon dans s^in temps, l’adresse supplée chez lui à ce qu’il peut avoir |) ?rdu du coté de la vigueur, et peu déjeunes gens réussiraient encore mieux (pie lui à couper un ruisseau ou à hnllemne concurrence. La seule chose à laquelle il n’a i)u se soumettre entièrement, c’est le ménage en cocher, qu’il regarde comme bien an-d,^ssous de lui : et jamais il ne s’assied sur un siège de voiture sans pousser un profond sou|)ir, et marmotter entre ses dents, à travers la fumée de son vieux brtUe-gueulc «rfof/e : « Si mon empereur n’était pas mort , ils n’auraient pas fait ca... .>