Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/454

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voleurs, aux(|uels la IVuillore n’a pas l’air de songer. Sa noble confiance fait lionlc aux précautions (les autres marchands. Ceux-ci ont de mystérieux tiroirs et de sombres cartons. Ils se cachent, avec leurs marchandises, derrière des grilles en fer et des treillis ; la fruitière mettrait ses fruits dans la rue. Tout lui est lion pour étalage, et sa fenêtre incessamment ouverte , et le devant de sa porte, et les chaises qu’elle expose au dehors chargées de provisions. Ou la voit qui s’agile , qui passe et circule avec facilité, et retrouve sa roule "a Iravcis ce labyrinthe de légumes. Si mêlés <|u’ils soient, sa main sait où les prendre au besoin, son pied ne les heurte jamais ; et d’ailleurs qu’en résulterail-il ? Excepté pour ses œufs, elle ne craint pas la casse. La fruitière est un des types de Paris. Toutefois ne la cherchez pas dans le Paris élégant. Ou voit à la Chaussée d’Anlin , aux environs de la Dourse et de la place Vendôme , des fruitières qui se décorent du titre emphatique de vcrdurifrs ; mais on n’y voit pas la fruitière. Elle ne s’acclimate que dans les (juartiers Montmartre et Poissonnière, Saint-Denis et Saiut-Marlin. Elle adectionnc le Marais et les faubourgs. C’est l’a qu’elle pousse et qu’elle lleuiil dans sa luxuriante originalité. Il lui faut, comme "a ses légumes, l’humidité des rues étroites.

C’est une femme qui a passé l’âge moyen de la vie , d’une physionomie honnête (|ui piévient tout d’abord, et d’un embonpoint assez prononcé. Elle ri est pas Iraule eu couleurs comme l’écaillère et la marchande des halles ; elle n’a pas le coup d’oeil ferme, la voix masculine , et les gestes provoquants qui dhi’mcjueni ces dames. Il y a en elle quelque chose de champêtre et de potager. Femme de lêle néanmoins , active et sullisaniment intelligente, ne soignant ni sa personne ni son langage, et tirant sa beauté de son piojire fonds. Si sa robe ne lui serre pas trop étroitement la taille , c’est peut-être que, n’ayant plus de taille, elle ne saurait au juste où se sérier. Elle va, les manches relevées jusipr’aux coudes, montrant des bias d’un rouge légèrement foncé, et alfublée d’un large tablier dont on ire sarrrart vanter l’entière blancheur. Elle aime tant son costume de tous les jours , qu’elle le garde aussi le dimanche. Seulement elle croit devoir changer de bonnet. — La coquette ! Ou comprend qu’une telle femme, alors meure qu’elle est mariée, n’est jamais en puissance de mari. La loi, qui lui a fait im devoir de la soumission, s’est trompée en cela comme en mainte arrtre chose. Un mari de fruitière est un être problénialiqrre qui existe sans doute, mais (|u on ne voit pas, qu’orr ne connaît pas, et dont on ne parle pas. Vivant, sa femme l’a enterré , tant elle le cache et le dissimule sous son importance et l’ampleur de sa personne. On prétend qu’il se meut, qu’il par le et vit comme les autres hommes. On dit même qu’il court dès le matin aux halles et aux marchés, qu’il achète et transporte chez sa femme les divers artules de son commerce , et qu’il l’aide il nettoyer certains légumes, et à écosser les petits pois. Nous voulons le croire ; mais, loin de donner son nom "a sa femme, il perd jusqu’à son prénom. Il ne s’appelle ni Pierre, ni Simon , ni .lacques ; c’est sa femme, air contraire, (pii lui impose le nonr de son état, Ln fntitihr : C’est ainsi qu’on la désigne, et (praircl par- hasard il est iiuestion du mari , on ne le connaît que sous ce litre , le mar’t de In fiiiilicre ! relie est même la force de l’habitude que. si d’aventirre un homme se faisait fritilicr , ou dirait de lui la jrttilihc.