Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/479

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LA Kl- VtMJKlSi : A L TOILKTTE. 365

(iguie, mais on ne prèle rion sur une tèle de génie : le nionl Parnasse est encore à clierclier son Monl-de-Piélé.

Ne coiifonilons |ias cependant la Revendeuse ii la loilelle avec la niarcliandt à la loiletle. Celte dernière race resle perdue dans l’innonibralile et banal troupeau des industries ordinaires et nomades ; elle vend, brocante, fait de la friperie en détail ; elle a ses entrées chez plusieurs femmes du monde i|ui satisfutit, ; ;i ;’ice à elle, leur goûts de changement ; mais c’est là du négoce suballerne : elle parle de sa conscience et de ses mœurs ; elle a, je crois, de la probiléet une patente. La Revendeuse, elle, n’a rien de tout cela, el ne dé|)asse guère la sphère équivoque des coquettes a prix lixe ; mais en revanche la nature équitable lui a donné ou prêté , si vous voulez , sans intérêt , du génie. Or ce génie éclate dans toutes les actions de sa vie, niais surtout dans celle de racheter ; car la Revendeuse rachète , el c’est même là une des plus iinpoi lanles ramiBcations de son négoce , et en même temps une des plus heureuses propriétés qu’elle possède aux yeux de sa clientèle. Admirez sou talent ! lille vous présente sur son poing fermé en champignon un objet quelconque, soit un chapeau rose. A l’entendre, on s’agenouillerait devant les fleurs qui le décorent , on se pâmerait d’admiration devant les rubans , les plumes, le crêpe et la dentelle. Tout cela est d’un goût, d’une fraîcheur incomparables ! Cependant qu’il s’agisse de] lui revendre ce même chapeau séance tenante ; dans le fait seul de passer des mains de la revendeuse vendante dans celles de la revendeuse achetante, ce chapeau aura vieilli d’au ynoins dix ans, perdu cent pour cent de sa jeunesse ; les rubans , tout h l’heure frais comme la rose , sont maintenant effrovablement fanés, éclipsés , décolorés. Qui est-ce qui oserait mettre un pareil chapeau ?

A n idi , on ne poitail que du rose et toujours du rose. la couleur par excellence ; 

mais à midi un quart : o Qui est-ce qui porte du rose" ? grand Dieu ! Si c’était (lu jaune, du lilas, du coquelicot , du gris do souris, de l’œil de mouche effrayée, je ne dis pas, mais du rose, fi l’Iiorieur ! c’est la nuance du croque-mort, o Il est certain qu’il y a dans le L’esté, la pose el lépithèle de la véiitable Revendeuse "a la toilette quelque chose qui lustre , embellit el magnétise ce qu’elle vend, et en même temps dépréciée* dégomme ce qu’elle rachète. Elle est incomparable sur ce point-là : elle fait de ce qu’elle touche de l’or comme Midas, et suivant la pierre, de louche de son commerce, lin cachemire sort de son carton , indien, et il y rentrera pur et simple lyonnais. Quand il fera une nouvelle sortie , il redeviendra légitime et authentique enfanl des plaines de Sirinagur. Singulière femme qui possède ainsi le don de dislribuer une nationalité, une religion, un baptême , aux tissus nomades et aux étoffes judaïques qu’elle colporte ! Elle vend tout, rachète tout ; elle vous vendrait même la mule du pape si vous consentiez à lui en payer les intérêts. Où loge-t-elle ? où sont situés ses magasins et ses dieux lares ? qui peut le dire ? Elle n’a uuère , à proprement parler, d’autre domicile que les trottoirs et les escaliers qu’elle arpente du malin au soir avec son immense boite en bois attachée avec une lisière- elle loce en chambre, rarement en boulique. On lui suppose généralement de nombreuses connivences avec la police, mais il n’en est rien. La police vend (luelquefois. mais ne rachète jamais. Elle jouit ainsi que les maisons à parties, d’une