Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’ÉTUDIANT EN DROIT.


Séparateur


n jeune homme sort du collège. Il a passé son examen de bachelier ès lettres, après avoir fait ce qu’on appelle ses études ; c’est-à-dire que dix ans de travaux l’ont rendu capable d’expliquer, à l’aide de bons dictionnaires, Virgile et les fables d’Ésope. Son père et sa mère, assis au coin du feu, délibèrent sur la destinée ultérieure de leur fils unique. « Il faut qu’il fasse son droit, dit le père d’un ton grave et doctoral ; c’est le complément indispensable de l’éducation ; le titre d’avocat mène à tout. »

Ô bourgeois candide et patriarcal ! le titre d’avocat ne mène à rien ! Où vont ces milliers d’élèves qui s’asseyent chaque année sur les bancs de l’École de droit ? sont-ils tous pourvus d’emplois honorables et lucratifs ? les voit-on primer au barreau ou dans la magistrature ? Hélas ! non ; la majorité ne met jamais le pied au palais. Quelques-uns deviennent notaires, avoués ou huissiers ; le reste se répartit dans diverses professions. Cet agent d’affaires qui négocie des ventes et des achats de fonds de commerce sans clientèle, il a fait son droit. Ce jeune premier qui colporte en province sa misère et ses oripeaux, il a fait son droit. Cet écrivain public qui rédige en prose et en vers des compliments à l’usage des cuisinières, il a fait son droit. Ce dramaturge qui compose des pièces à grand spectacle pour le théâtre de madame Saqui a prêté le serment d’avocat. Les administrations publiques et particulières, l’armée, les boutiques, les échoppes, fourmillent d’ex-étudiants qui végètent et regrettent les trois années qu’ils ont perdues sous le vain prétexte d’apprendre les lois, dont ils ne savent pas un mot.

Quoi qu’il en soit, tous les ans, au mois de novembre, une foule de jeunes gens affluent de toutes les parties de la France, et viennent s’entasser dans les hôtels du