Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/54

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22 L’KÏIJDIAiNT KN DROIT.

i-oiisolalioiis (iaiis la i)liilo.so|iliie, car elle est aussi de son ressorl : sitol (lu’iinelliéorie apparail, elle trouve parmi les éludianls des adeptes, des sectateurs, des enthousiastes. Vollairieiis sous la reslauralion, ils ont suivi le mouvement du siècle, el tendent à prendre une couleur morale et religieuse. Les uns applaudissent aux théories économiques de Saint-Simon ou aux léveries de Fourier ; d’autres s’accordent à dire, avec le père Knfanlin, qu’il est uri ;eiit de ivhahililer la rliair, lâche dont ils s’acquittent à la grande satisfaction deshahilués du bal du Prado. Les opinions poliliipies de l’éludiant en droit sont de celles qui Font diic aux cacochymes et aux asthmatiques : « On voit bien que vous êtes jeune, liab ! ces idéeslà vous passeront.» Ou bien : «C’est un beau réve(|ui ne se réalisera jamais : on r.’connall bien là l’effervescence de la jeunesse.» Il y a des êtres persuadés ipie, passé la trentaine, il faut nécessairement prendre du ventre et se rapprocher d mollusque. L’éludiant est d’un patriotisme exailé. Sa chambre est décorée des porli’aitsdes chefs de la Montagne. La révolution de juillet est à ses yeux une révolution à l’eau de rose, en gants jaunes et en bas de soie. Il eût voulu qu’en 1830 on déclarât la guerre à toute l’Europe, et que le drapeau tricolore fit le tour du monde. Il a gémi sur le s’irt de la Pologne, et maudit l’autocrate. Du temps où tlorissaienl les souscriptions nationalis, on voyait figurer sur les listes son nom, acconqiagné de notes plus ou moins démagogiques, semblables à celle-ci : A... B..., ami de la liberté et de la patrie, ennemi des tyrans et de l’oppression, 2.j centimes. » Feu la Société des droits de l’homme comptait dans son sein beaucoup d’étudiants en droit. Ils péi’oraienl dans les sections, annonçaient ofticiellemeiit <pie les faubourgs Antoine et Marlin étaient prêts à descendre, concbaient en bonnet rouge. e( au l)esoin s’ai’maient pour l’émeute. Hélas ! plusieurs victimes d’un enthousiasme aveugle sont tombées sur les dalles de Saint-Merry.

Une haine vivace bouillonne entre l’éliidianl en droit el le sergent de ville. Ce sont deux ennemis plus irréconciliables que Montaigu et Capulet , et ce n’est point sans raison. Oui , dans les bals publics , surprend les éludianls en flagrant délit de cnchur /ia nationale ? qui les mène au violon ? qui modère l’élasticité hasardée de leurs mouvements ? C’est le sergent de ille. Mais les principaux motifs de l’aversion de l’étudiant en droit sont |ilus sérieux : il déteste dans le sergent de ville l’agent, le satellite armé de l’ordre public, el, du plus loin (ju’il l’aperçoit, il donne à sa physionomie l’expression la plus dédaigneuse possible, relève fièrement la tête, et murmure dans sa barlie l’injurieuse épilhèle de mouchard.

Au reste, l’exagéralion poiilicpie de l’étudiant en droit est plutôt extérieure que réelle ; elle cache les sympathies d’une âme honnête et généreuse, et ne croyez pas qu’arrivé à l’âge mur l’étudiant en droit renie les croyances de sa jeunesse. Klecteur, il vole avec l’opposition : père de famille, il transmet ses principes à ses enfants : sentinelle avancée du progrès , sa voix s’élève toujours en faveur des réformes utiles. lise trouve pourtant parmi les étudiants bon nombre de ces jeunes gens tenaces au travail, que rien ne rebute, et qui mêlent à leurs études de droit des travaux sérieux d’histoire, de littéi’alure : celui (pii prend celle voie aride . mais dont la récompense est certaine, se nonuiie picclinir.