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30 LA FEMME COMME IL FAUT.

toujours en perspective le procès en criminelle conversation. Celte fennne, .si libre nu bal, si jolie à la promenade, est e.sclave au logis ; elle n’a li’indépeiKlance (|u’à huis clos, on dans les idées. Elle veut rester femme comme il faut. Voilà son thème. Or , aujourd’hui , la femme i|uiHée par son mari, réduite à une maigre pension, sans voiture, ni luxe, ni loges, sans les divins accessoires de la toilette , n’est plus ni femme, ni fille, ni bourgeoise ; elle est dissoute , et devient une chose. Les carmélites ne veulent pas d’une fennne mariée ; il y aurait bigamie. Son amant en viiudrat-il toujours ? là est la question. La femme comme il faut peut donner lieu peut-être à la calomnie, jamais à la médisance. Elle est entre l’hypocrisie anglaise et la gracieuse franciiise du dix-builième siècle, système bâtard qui révèle un temps où rien de ce qui succède ne ressemble à ce qui s’en va , où les transitions ne mènent à rien, où il n’y a que des nuances, ou les grandes figures s’effacent, ou les distinctions sont purement personnelles. Dans ma conviction , il est impossiljle qu’une fennne, fut-elle née aux eii irons du ti’one, actiuière avant vingt-cin(| ans la science encyclopédi ([ue des riens, la connaissance des manèges, les grandes petites choses , les musiques de voix et les harmonies de couleurs, les diableries angéli(|ues et les innocentes roueries, le langage et le mutisme, le sérieux el les railleries , l’esprit et la bélise, la diplomatie et l’ignorance, qui constituent la femme connue il faut. Des indiscrets nous ont demandé si la femme auteur est femme con)me il faut : quand elle n’a pas du génie, c’est une femme comme il n’en faut pas. Maintenant, (|u’est cette fennne ? à (juelle famille appartient-elle ? d’où vient-elle ? Ici la femme comme il faut prend les proportions révolutionnaires. Elle est une création moderne, un déplorable triomphe du système électif ap|)liqué au beau sexe. Ciia(|ue révolution a son mot , un mot où elle se résume, et (pii la peint. Expli(pu’i' certains mois, ajoutés de siècle en siècle à la langue française, serait fane une magnifique histoire. Organiser, par exemple, est un mol de l’Empire ; il contient iNapoléon lout entier. Depuis cimpiante ans bientôt , nous assistons à la ruine continue de toutes les distinctions sociales ; nous aurions dû sauver les femmes de ce grand naufrage, mais le Code civil a passé sur leurs têtes le niveau de ses articles. Hélas ! quelque terribles que soient ces paroles , disons-les : les duchesses s’en vont, elles mar- ((uises aussi ! Quant aux baroiuies, elles n’ont jamais pu se faire |)rendre au sérieux ; rarislorralie commence à la vicomtesse. Les comtesses resteront. Toute femme conune il faut sera plus ou moins comtesse, comtesse de l’Empire ou d’hier, comtesse de

ieille roche , ou , comme on dit en italien, comtesse de politesse. Quant à la grande 

dame, elle est morte avec l’entourage grandiose du dernier siècle, aec la poudr’c, les mouches, les mules à talons, les corsets bns(|ués ornés d’im delta de nœuds en rubans. Les duchesses aujourd’hui liassent par les portes sans les faire élargir pour leurs paniers. Enfin l’Empire a vu les dernières robes à (pieue ! Je suis enroi’e à com|irendre connnent le souverain (jni voulait faire balayer sa cour par le satin ou le velours des robes à queue n’a jias établi pour certaines familles le droit d’ainesse el les majorais par d’indestructibles lois. Napoléon n’a pas deviné l’application du Code dont il était si fier. Cet homme, en créant des duchesses, engendrait des fennncs comme il faut, le produit médiat de sa législation. La pensée, prise comme