belle Ninon bonnement, mais il ne m’en
souvenoit déjà plus. — Quoi, ma fille, répliqua
le père, d’un air galant, avez-vous la
mémoire si courte ? Ah ! certes, je n’en ferois
pas de même si vous m’accordiez quelque
faveur, fût-elle la moindre du monde. —
Hélas ! mon père, que voulez-vous que je
vous donne ? s’écria Ninon en soupirant, je
n’ai rien en mon pouvoir, pas même ma liberté,
puisque ma mère me tient comme une
esclave et me prive de toutes les joies de la
vie. — Ce que vous dites, mon aimable, reprit
le père en riant, est vrai ; je sais une
partie de tous vos petits chagrins ; mais vous
avez cependant un bijou charmant dont
vous êtes la maîtresse, et dont vous pouvez
disposer quand vous voudrez. — Eh ! quel
est ce bijou, mon père, répondit-elle en
rougissant, et appréhendant que ce ne fût celui
de son doigt que le jésuite lui demandoit
pour récompense de l’absolution qu’il lui
avoit donnée. — C’est un bijou, belle Ninon,
dit le père en la caressant, que la nature
vous a donné, qui vaut mieux que toutes les
perles et les diamants de l’univers. Voulez-vous
m’en faire présent ? Je vous absoudrai
de tous les péchés mortels que vous commettrez ;
fussent-ils plus rouges que l’écarlate,
je les rendrai blancs comme l’albâtre,
et vous ferai avoir une place en paradis à
côté de saint Ignace notre bon patron avec
qui je suis très-bien. — L’offre que vous me
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EN BELLE HUMEUR