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EN BELLE HUMEUR


des leçons fort profitables, pour corriger l’emportement de la jeunesse, et pour la rendre sage.

Quelques jours après, le père Bourdaloue, qui n’aime pas moins les plaisirs que ses frères jésuites, apprit quelques nouvelles de l’aventure galante du père De la Rue, et sans lui en rien dire, il le laissa dans ces idées de plaisir, et tâcha d’en faire naître une pour lui, qui le divertît pour le moins autant. Ce fameux prédicateur connoissoit une jeune femme de qualité, fort jolie, qu’il avoit vue dans la boutique de monsieur Brunet, libraire au Palais, et à qui il conta fleurette quelque tems ; comme la dame n’étoit pas fort contente de son mari, elle laissa pousser, au jésuite galant au dernier point, sa fortune aussi loin qu’il la put étendre. Un jour, comme il tenoit sa déesse entre ses bras, et qu’il la caressoit tendrement, elle lui dit à demi-pâmée : — Ô mon révérend père, que je mets de différence entre vous et… La belle n’en put dire davantage, car une foiblesse qui est ordinaire aux amans s’empara entièrement d’elle ; mais, étant revenue de sa pâmoison, le père Bourdaloue en la regardant d’une manière toute passionnée, lui demanda ce qu’elle vouloit dire. — Ce que je voulois vous dire, mon père, reprit la dame d’un air charmant, est que mon mari ne vous vaut point dans un combat amoureux.