ment la nommez-vous ? Si vous m’en faites
la confidence, je vous promets de n’en point
parler au père supérieur, qui est, comme
vous le savez, insupportable et le plus ridicule
du monde du côté de la galanterie, et qui
n’excuse jamais le moindre défaut de son
prochain. — Ce que vous dites est vrai, répondit
le père Bourdaloue en riant ; mais,
comment fait-il quand il se sent pressé de
quelque désir charnel qui rejaillit chez lui ?
— Je n’en sais rien, dit le père gardien en
souriant ; peut-être qu’il trouve le moyen de
satisfaire sa passion à peu de frais, ou bien
qu’il se repaît d’amour en pensée, comme
font ceux qui se nourrissent d’imagination
qu’une espérance trompeuse leur fournit.
Mais, venons au fait : quelle est, encore une
fois, la beauté qui vous charme si fort ? —
Puisque vous le voulez absolument savoir,
mon père, repartit le jésuite comme forcé,
je vous dirai que c’est madame de… qui m’a
touché le cœur plus que femme du monde ;
elle est belle, elle est jeune, et son mari n’a
pas l’esprit de lui donner ce qu’il lui faut.
— À la vérité, cela est digne de compassion ;
c’est pourquoi, mon frère, repliqua le père
gardien en lui prenant la main, et éclatant
de rire, vous en avez pris soin par un motif
de charité qui vous sera rendu en paradis.
Faites-moi part, je vous prie, de votre bonheur,
et nous garderons le secret comme y
étant intéressés en bien des manières. — Je
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LES JÉSUITES