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Page:Les Jésuites de la maison professe de Paris en belle humeur, 1874.djvu/49

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EN BELLE HUMEUR


à ces tendres paroles, qu’il pensa tomber de foiblesse, par terre, et sans de l’eau impériale, dont il se frotta les tempes, il seroit demeuré sur la place, tant il avoit le cœur touché. Enfin, ayant un peu repris ses sens, il s’arrêta à contempler les attraits incomparables de la déesse qu’il voyoit, ne pouvant faire autre chose dans l’état où tant de charmes tout à la fois l’avoient réduit.

La marquise, impatiente de lui voir garder le silence, lui dit plusieurs fois en le prenant par la main : Mon révérend père, êtes-vous muet ? que ne parlez-vous ? Ah ! que vous me chagrinez avec votre amour à la chartreuse. Le père gardien, qui avoit repris des forces pendant que la belle jasoit, déguisa sa voix et l’embrassa avec passion. Étant sorti du combat avec assez d’honneur et de gloire, cela n’empêcha pas que la dame, délicate en amour, ne reconnût bien à ce qu’il lui avoit fait toucher, que la doctrine du père Bourdaloue valoit incomparablement mieux que la sienne, et qu’elle alloit plus loin étant soutenue par de meilleurs principes ; toutefois elle n’en voulut point parler à son feint officier par des raisons de politique amoureuse, et de crainte de découvrir le mystère qu’elle tenoit caché, elle aima mieux croire aveuglement que c’étoit son véritable amant, que son habit de cavalier avoit tout défiguré.

La nuit s’étant passée assez agréablement