Aller au contenu

Page:Les Loisirs du chevalier d'Eon t1.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand ils ont obtenu un certain degré de force, ils ne gardent plus de mesures, & ne se peuvent borner ? Leur progrès ressemble à celui des corps qui roulent dans un précipice, rien ne les arrête que leur propre chute : mais la vertu dans un état, ainsi que dans la vie d’un particulier, peut se comparer à un cube, en ce qu’elle résiste par la fermeté de sa base, à toutes les révolutions des empires & de la fortune. En s’accommodant aux différens états de la vie, elle tient l’esprit dans une liberté incorruptible, elle est contente d’elle-même & propre à tout par elle-même.

Le bonheur d’être vertueux peut bien venir quelquefois de la nature : mais le mérite de l’être ne peut se devoir qu’à la raison ou à la considération qu’un état lui accorde. Malheureusement l’homme le plus vertueux, qui entre dans le ministère, perd en peu de tems l’idée des vertus sociales, chrétiennes & morales. Le mensonge, la calomnie & l’iniquité semblent, par une fatalité inconcevable, constituer l’essence d’un ministre monarchique & bien plus encore celle d’un ministre despotique. Dans une république, quoique la nature humaine soit la même, si le ministre paroît plus vertueux, c’est que la nécessité d’obéir aux loix