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Page:Les Loisirs du chevalier d'Eon t1.djvu/37

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l’y contraint, & que sa conduite toujours éclairée, lui fait redouter la censure des patriotes, de ses rivaux ou de ses ennemis.

Il y a ce mal, si j’ose le dire, dans les gouvernemens monarchiques & même aristocratiques, que presque tous ceux qui ont part aux affaires s’imaginent que les avantages de leur éducation peuvent suffire, & qu’avec eux ils ont la probité, la science, la prudence & tout le mérite nécessaire pour gouverner seuls. Cette persuafion les empêche ou de rechercher des avis, ou de se rendre à ceux que les plus habiles gens leur proposent. Leur rang les éblouït, & tout ce qui ne peut s’élancer dans leur sphère, semble indigne de leur attention. Un homme d’esprit, tel que Voltaire par exemple, n’est jamais un simple citoyen, mais un vrai magistrat, lorsqu’un ignorant élevé aux premières dignités, n’est ni l’un ni l’autre & ne peut même le devenir. Les sots en effets, s’ils en avoient la puissance, banniroient volontiers les gens éclairés, en leur disant avec les Ephésiens : Si quelqu’un excelle parmi nous qu’il aille exceller ailleurs.

« Vous ne pouvez tout voir, dit un Sultan à ses ministres, ne rebutez donc pas ceux qui pen-