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Page:Les Mémoires d’une chanteuse allemande, 1984.djvu/192

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spectacles, il en était quelques-uns que je serais capable de supporter.

Vous connaissez certainement ce livre et savez ce que représentent deux scènes auxquelles je pense spécialement ; si vous les avez oubliées, je les rappelle à votre mémoire. L’une montre une arène. En haut, à une fenêtre, on aperçoit un homme âgé, barbu, le propriétaire de la ménagerie, puis un jeune homme, une jeune fille tout juste nubile, à peine sortie de l’âge ingrat, et un garçonnet.

Par la fenêtre, on vient de jeter dans l’arène une jeune fille nue, la tête en bas ; une panthère, une hyène et un loup bondissent vers l’enceinte pour la dévorer. Un lion est déjà en train de déchiqueter le corps d’une autre fille ; on voit ses entrailles sortir du corps. Un ours géant en renifle une troisième[1]. Même vous, médecin, habitué à voir en clinique les opérations, les amputations les plus effroyables, seriez horrifié à un tel spectacle, et combien le serais-je davantage !

L’autre image représente le marquis de Sade vêtu d’une peau de panthère ; il attaque trois femmes nues ; il s’est déjà emparé d’une, dont il mord les seins, faisant jaillir le sang tandis que, d’une patte, il déchiquette sa poitrine et qu’un enfant nu gît, mort, le corps lacéré[2].

Je ne sais laquelle de ces deux images est la plus horrible, et je n’aimerais rien voir de tel. Mais il y a d’autres scènes, des orgies, des flagellations, des tortures et des débauches entre personnes du même sexe, qui ne comportent pas de meurtre, et qu’en somme on peut contempler.

Vous me direz peut-être que les scènes moins effroyables sont capables de mener aux plus horribles. Je n’affirmerai pas que certaines personnes ne connaissent pas ici de limites, mais je suis persuadée que, chez moi, ce ne sera jamais le cas. On pourrait aussi bien prétendre que tous les gens — et les femmes sont ici, je le sais, plus nombreuses que les hommes — qui vont assister à des exécutions capitales ou à des scènes

  1. Cf. Histoire de Juliette, quatrième partie, t. VIII, p. 3 (note de wikisource).
  2. Cf. Histoire de Juliette, sixième partie, t. X, p. 191 (note de wikisource).