Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/103

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fants, ses femmes, ses biens et tous ses sujets et aussi leurs troupeaux, leurs chevaux, leurs blés. Après cette cérémonie, le seigneur s’en va.

Je vous dirai aussi une merveille que j’avais oublié de vous conter. Pendant les trois mois que dure chaque année le séjour en ce lieu, il fait parfois mauvais temps ; mais le seigneur a en sa compagnie des enchanteurs et des astrologues savants dans l’art diabolique et la nécromancie. Ils font si bien que dans tout l’espace autour du palais il n’y a ni nuage ni mauvais temps. Les savants qui s’adonnent à ces pratiques sont appelés Tebet et Chrisimur[1]. Ils appartiennent à deux races différentes et sont idolâtres. Tout ce qu’ils accomplissent, c’est par la puissance du démon : pourtant ils persuadent le peuple qu’ils agissent grâce à leur sainteté et à la puissance de Dieu. Ils ont une coutume étrange. Quand un homme est condamné et meurt de la main du bourreau, ils prennent son corps et le mangent. Mais celui qui meurt de mort naturelle, ils ne le mangent pas.

Ces deux espèces de magiciens exécutent un autre prodige. Quand le grand Khan s’assied en sa capitale, en son palais, devant sa table qui est haute de plus de huit coudées, il a devant lui, dans la salle, à dix pas de lui, des coupes pleines de vins et d’autres boissons. Ces enchanteurs font tant par leurs sortilèges que, lorsque le seigneur a envie de boire, les coupes se lèvent de leur place sans que nul les touche et vont devant

  1. Thibétains et Cachemiriens.