Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/176

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quérir le royaume de Manzi. Les astrologues du roi lui avaient affirmé qu’il ne pouvait être détrôné que par un homme qui aurait cent yeux ; cette prédiction le rassurait, car il ne pensait pas qu’un tel homme pût jamais se rencontrer.

Baïan fit construire quantité de vaisseaux et s’en servit pour transporter jusque devant Coguiganguy[1] l’armée que lui avait confiée son maître. Il somma les habitants de se soumettre au grand Khan, mais ils refusèrent. Alors il passa outre et s’en fut devant une autre ville ou il renouvela sans plus de succès sa sommation. Néanmoins il avançait toujours, sachant que le grand Khan enverrait une autre armée derrière la sienne.

Après s’être présenté ainsi devant cinq villes, dont aucune ne voulut ni combattre ni se rendre, il en prit de vive force une sixième. D’autres villes furent successivement emportées jusqu’à un total de douze. Alors Baïan s’en fut devant la capitale du royaume, Quinsay[2], où résidaient le roi et la reine. À l’aspect de l’armée tartare, le roi fut saisi de crainte car il n’avait jamais vu un tel spectacle. Il équipa une flotte de mille vaisseaux et s’enfuit dans les îles de l’Inde. La reine resta dans la ville et se prépara à se défendre de son mieux, en femme vaillante qu’elle était. Elle questionna ses astrologues pour connaître le nom de son adversaire et l’issue du combat. Quand elle sut qu’elle avait affaire à Baïan aux cent yeux, elle com-

  1. Houi-gan-fou, sur le fleuve Jaune.
  2. Lin-gan.