Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/45

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S’ils lurent avidement le Livre de Maroc Polo, ses contemporains n’y virent guère qu’un conte agréable. Ils connaissaient le proverbe : « A beau mentir qui vient de loin » et ils ne doutaient pas que le Vénitien n’eût usé largement de la liberté accordée aux voyageurs.

— « J’ai vu, disait Marco Polo, une ville qui a bien cent milles de tour ; elle compte 12 quartiers de 12 000 maisons chacun et dans chaque maison, habitent de 10 à 40 personnes. Sachez qu’on y voit 12 000 ponts de pierre, si hauts que sous chacun passerait un gros navire ; à chaque pont veillent dix hommes de garde. »

Comment les Vénitiens, si fiers des 400 ponts de leur cité, eussent-ils pu croire à pareille merveille ? Ils savaient compter : 12 quartiers de 12 000 maisons, peuplées de 10 à 40 habitants, cela faisait une ville de 2 à 3 millions d’hommes. Tout, dans les récits du voyageur, était à la même échelle. Les soldats du grand Khan se chiffraient par centaines de mille, ses revenus par dizaines de millions. Personne, dans l’Europe du Moyen-Age, n’avait l’idée de pareilles masses humaines ni d’aussi formidables moyens financiers. Aussi les Vénitiens raillaient l’imagination de leur compatriote. « Conte-nous un mensonge », lui criaient de loin les enfants. Le prêtre qui l’assista à ses derniers moments le conjura, pour le salut de son âme, de rétracter ses mensonges. Mais Marco Polo répliqua : « Je n’ai pas dit la moitié de ce que j’ai vu ».

Ce témoignage solennel de Marco Polo mourant ne fait que confirmer celui qu’il porte au début de son