Aller au contenu

Page:Les Merveilleux Voyages de Marco Polo, éd. Turpaud, 1920.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous montre les Indes peuplées d’habitants fantastiques. Certains peuples ont les pieds retournés, la plante en l’air et huit doigts à chaque pied. Il y a des hommes qui ont des têtes de chien, d’autres qui n’ont point de tête du tout : leurs yeux sont placés sur leurs épaules. Chez d’autres, les enfants quand ils naissent ont les cheveux blancs ; c’est l’âge qui les noircit. On rencontre des tribus où les hommes n’ont qu’un œil et qu’une jambe, ce qui ne les empêche pas de courir avec une vélocité extrême. Tout est sur ce ton : on croirait entendre des contes de nourrice plutôt que lire un ouvrage à prétentions scientifiques. Depuis l’époque de Pline l’Ancien, la géographie n’avait fait aucun progrès. On avait seulement mêlé de nouvelles fables à celles qu’accueillait le contemporain de Trajan.

Sans doute Marco Polo n’a pas été formé à la critique moderne. Il ne distingue pas entre les traditions qu’il rencontre et les reproduit avec la même complaisance. En cela même, il est utile, car aujourd’hui, mieux informés, et pourvus de sûres méthodes, nous pouvons démêler la part de vérité que contiennent certaines légendes. En tout cas, lorsque Marco Polo, et c’est ce qui arrive le plus souvent, parle de ce qu’il a vu lui-même, il se montre scrupuleusement véridique. Et il sait regarder. S’il décrit les hauts plateaux du Thibet, il nous en montre d’un trait la solitude immobile et le morne silence : « On n’y voit pas, dit-il, voler d’oiseaux à cause du grand froid qui y règne ». Cinq siècles plus tard, un explorateur anglais, le capi-