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CONTES ORIENTAUX

dirai le nom de ce prince. — Madame, s’écria Calaf, je n’ai point demandé de délai, et il n’est pas juste de vous en accorder ; cependant, je veux vous donner encore cette satisfaction ; j’espère qu’après cela vous serez trop contente de moi pour faire quelque difficulté de m’épouser.

— Il faudra bien qu’elle s’y résolve, dit alors Altoun-Kan, si elle ne répond pas à la question proposée. Qu’elle ne prétende pas en se laissant tomber malade ou bien en feignant de l’être, échapper à son amant ; quand mon serment ne m’engagerait pas à la lui accorder et qu’elle ne serait pas à lui suivant la teneur de l’édit, je la laisserais plutôt mourir que de renvoyer ce jeune prince. Quel homme plus aimable peut-elle jamais rencontrer ? » En achevant ces paroles, il se leva de dessus son trône et congédia l’assemblée ; il rentra dans le palais intérieur avec la princesse, qui de là se retira dans le sien.

Dès que le roi fut sorti du divan, tous les docteurs et les mandarins firent compliment à Calaf sur son esprit. « J’admire, lui disait l’un, votre conception prompte et facile. — Non, lui disait l’autre, il n’y a point de bachelier, de licencié, ni de docteur même plus pénétrant que vous. Tous les princes qui se sont présentés jusqu’ici n’avaient pas, à beaucoup près, votre mérite ; et nous avons une extrême joie que vous ayez réussi dans votre entreprise. » Le prince des Nogaïs n’avait pas peu d’occupation à remercier tous ceux qui s’empressaient à le féliciter. Enfin, les mandarins qui l’avaient amené au conseil le ramenèrent au même palais où ils l’avaient été prendre, pendant que les autres, avec les docteurs, s’en allèrent, non sans inquiétude sur la réponse que ferait à sa question la fille d’Altoun-Kan.