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LES MILLE ET UN JOURS

faut qu’il ait perdu l’esprit. « Altoun-Kan était aussi fort étonné de ce que Calaf osait lui demander : « Prince, lui dit-il, avez-vous bien fait attention aux paroles qui viennent de vous échapper ? — Oui, seigneur, répondit le prince des Nogaïs, et je vous conjure de m’accorder cette grâce. — Je le veux, répliqua le roi ; mais quelque chose qu’il en puisse arriver, je déclare que je ne suis plus lié par le serment que j’ai fait, et que désormais je ne ferai plus mourir aucun prince. — Divine Tourandocte, reprit le fils de Timurtasch en s’adressant à la princesse, vous avez entendu ce que j’ai dit. Quoiqu’au jugement de cette savante assemblée, votre main me soit due ; quoique vous soyez à moi, je vous rends à vous-même ; j’abandonne votre possession ; je me dépouille d’un bien si précieux, pourvu que vous répondiez précisément à la question que je vais vous faire : mais de votre côté jurez que si vous n’y répondez pas juste, vous consentirez de bonne grâce à mon bonheur, et couronnerez mon amour. — Oui, prince, dit Tourandocte, j’accepte la condition ; j’en jure par tout ce qu’il y a de plus sacré, et je prends cette assemblée à témoin de mon serment. »

Tout le divan était dans l’attente de la question que Calaf allait faire à la princesse, et il n’y avait personne qui ne blâmât ce jeune prince, de s’exposer sans nécessité à perdre la fille d’Altoun-Kan ; ils étaient tous choqués de sa témérité. « Belle princesse, dit Calaf, comment se nomme le prince qui, après avoir souffert mille fatigues et mendié son pain, se trouve en ce moment comblé de gloire et de joie ? » La princesse demeura quelque temps à rêver ; ensuite elle dit : « Il m’est impossible de répondre à cela présentement, mais je vous promets que demain je vous