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CONTES ORIENTAUX

V

Insensiblement nous nous engageâmes dans un tendre entretien qu’elle soutint avec beaucoup d’esprit, et elle m’avoua que si j’avais été frappé de sa vue, de son côté, elle n’avait pu se défendre d’avoir de l’attention pour moi. « Puisque vous m’avez appris qui vous êtes, poursuivit-elle, je ne veux point que vous ignoriez qui je suis.

Je me nomme Dardané. J’ai pris naissance dans la ville de Damas. Mon père était un des vizirs du prince qui y règne aujourd’hui, et s’appelait Behrouz. Comme la gloire de son maître et le bien de l’État faisaient la règle de toutes ses actions, il eut pour ennemis tous ceux qui avaient d’autres principes, et ces ennemis le perdirent dans l’esprit du roi. L’infortuné Behrouz, après plusieurs années de service, fut écarté de la cour. Il se retira dans une maison qu’il avait aux portes de la ville, où il se donna tout entier à mon éducation. Mais, hélas ! il n’eut pas le plaisir de recueillir le fruit de ses peines, il mourut que je n’étais point encore sortie de l’enfance.

Ma mère ne le vit pas plutôt mort, qu’elle fit de l’argent comptant de tous ses effets : et cette misérable femme, après m’avoir vendue à un marchand d’esclaves, partit pour les Indes avec un jeune homme qu’elle aimait. Cependant le marchand d’esclaves m’amena au Caire, avec plusieurs autres filles qu’il avait achetées. Il nous habilla toutes magnifiquement, et quand il nous crut en état d’être présentées au