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LES MILLE ET UN JOURS

odieux après cette aventure, je pris la route de Bagdad.

Après quelques jours de chemin, j’arrivai au soir au pied d’une montagne, derrière laquelle il y avait une assez grande ville. Je m’assis au bord d’un ruisseau pour me reposer, et je résolus de passer la nuit en cet endroit. Le sommeil se rendit maître de mes sens, et déjà les premiers rayons du jour étaient prêts à paraître, lorsque j’entendis à quelques pas de moi des plaintes et des gémissements qui me réveillèrent. Je prêtai une oreille attentive, et il me sembla que ces plaintes étaient d’une femme qu’on maltraitait. Je me levai aussitôt, et m’avançant du côté qu’elles partaient, j’aperçus un homme qui faisait une fosse avec une pioche.

Je me cachai dans un buisson pour l’observer. Je remarquai qu’ayant fait la fosse, il mit dedans quelque chose qu’il couvrit de terre, et qu’ensuite il s’en alla. Le jour étant venu presque dans le moment, je m’approchai pour voir ce que c’était. Je remuai la terre, et trouvai un grand sac de toile tout ensanglanté, dans lequel il y avait une jeune fille qui paraissait rendre les derniers soupirs. Ses habits, quoique couverts de sang ne laissèrent pas de me faire juger que ce devait être une personne de qualité. « Quelle cruelle main, m’écriai-je, saisi d’horreur et de compassion, quel barbare a pu maltraiter cette jeune personne ? Le ciel veuille punir cet assassin. »

La dame, que je croyais sans connaissance, entendit ces paroles, et me dit : « Ô musulman ! soit assez charitable pour me secourir. Si tu aimes ton créateur, donne-moi une goutte d’eau pour apaiser la soif qui me dévore, et pour soulager ma vive douleur. » Je courus aussitôt à la fontaine et remplis mon turban