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CONTES ORIENTAUX

jeune fille, et lui donnai mille coups. Je lui aurais ôté la vie, si elle n’eût pas trouvé moyen de m’échapper. Je ne m’en pris pas seulement à ma rivale ; dans le transport qui m’agitait, je n’épargnai point Namahran.

Il se jeta d’abord à mes genoux, me demanda pardon, et me jura qu’il ne me trahirait plus. Il m’apaisa ; je me rendis à ses serments et à ses soumissions. Il m’engagea même à boire avec lui, et fit si bien qu’il m’enivra. Quand il me vit dans cet état, le traître me frappa de plusieurs coups de couteau. Je tombai sans sentiment ; il me crut morte. Il me mit dans un grand sac de toile et me porta lui-même sur son dos hors de la ville, jusqu’à l’endroit où tu m’as trouvée. Pendant qu’il me creusait un tombeau, j’ai repris mes esprits et poussé quelques plaintes ; mais bien loin d’en être attendri et de se montrer du moins assez pitoyable pour achever de me donner la mort avant que de me mettre en terre, le barbare se faisait un plaisir de m’enterrer toute vive.

Pour Mahyar, continua-t-elle, cet autre marchand à qui tu as porté des lettres de ma part, c’est un marchand du sérail. Je lui ai fait savoir que j’avais besoin d’argent, et lui ai mandé mon aventure en le priant de la tenir secrète jusqu’à ce que j’eusse goûté le plaisir d’une pleine vengeance. Ô jeune homme, voilà mon histoire. Je n’ai pas voulu te l’apprendre plus tôt, de peur que tu ne te fisses un scrupule de m’amener ici ma victime. Je ne crois pas que tu désapprouves présentement ma généreuse action ; et pour peu que tu sois ennemi des cœurs perfides, tu dois me louer d’avoir eu le courage de percer celui de Namahran. Aussitôt qu’il sera jour, ajouta-t-elle, nous irons ensemble au palais. Le roi, mon père,