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LES MILLE ET UN JOURS

appartement. Outre la joie de le voir, j’eus le plaisir de remarquer qu’il était charmé de son bonheur. Après l’avoir tenu enfermé dans un cabinet pendant plusieurs jours, ma gouvernante le fit sortir du sérail aussi heureusement qu’elle l’y avait introduit, et de temps en temps, il y revenait sous le même déguisement.

VIII

Il me prit fantaisie d’aller voir à mon tour Namahran. Je me faisais un plaisir de le surprendre, ne doutant point que cette démarche, qui lui prouvait l’excès de ma passion, ne lui fut très agréable. Je sortis toute seule une nuit du palais, par des détours qui m’étaient connus, et je me rendis à sa maison. J’eus peu de peine à la trouver, parce que je l’avais bien remarquée en allant aux bains et en revenant. Je frappai à la porte. Un esclave vint ouvrir et me demanda qui j’étais et ce que je voulais. « Je suis, lui répondis-je, une jeune dame de la ville, et je voudrais parler à ton maître. — Il est en compagnie, reprit l’esclave. Il s’entretient en ce moment avec une autre dame ; revenez demain. »

À ce mot de dame, je me sentis saisie d’un mouvement de jalousie qui me mit hors de moi-même ; je devins furieuse. Au lieu de me retirer, j’entre brusquement dans la maison, et m’avançant dans une salle où il y avait de la lumière et tout l’appareil d’un festin, j’aperçois le marchand à table avec une jeune fille assez belle. Ils buvaient tous deux et chantaient des chansons tendres et passionnées. Je ne pus retenir ma colère à ce spectacle ; je me jetai sur la