Page:Les Mille et Un Jours, trad. Pétis de la Croix, 1919.djvu/52

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
LES MILLE ET UN JOURS

Je lui appris tout ce qui m’était arrivé, et après que je lui eus fait cette confidence, il me dit : « J’ai connu votre père. Je suis un marchand de Basra. Je n’ai point d’enfants ni d’espérances d’en avoir ; j’ai conçu de l’amitié pour vous, je vous adopte. Ainsi, mon fils, consolez-vous de vos malheurs passés. Vous retrouvez un père plus riche qu’Abdelaziz et qui n’aura pas moins d’amitié pour vous. » Je remerciai ce vénérable vieillard de l’honneur qu’il me faisait, et je le suivis lorsqu’il sortit. Il me fit jeter ma corbeille et mes fleurs, et me mena dans un grand hôtel qu’il avait loué. Il m’y donna un appartement avec des esclaves pour me servir. On m’apporta, par son ordre, de riches habits. On eût dit que mon père Abdelaziz vivait encore, et il ne semblait pas que j’eusse jamais été dans un état misérable.

Quand le marchand eut terminé les affaires qui le retenaient à Bagdad ; c’est-à-dire qu’il eut vendu toutes les marchandises qu’il y avait apportées, nous prîmes ensemble le chemin de Basra. Mes amis, qui n’espéraient plus me voir, ne furent pas peu surpris d’apprendre que j’avais été adopté par un homme qui passait pour le plus riche marchand de la ville. Je m’attachai à plaire au vieillard. Il fut charmé de ma complaisance. « Aboulcasem, me disait-il souvent, je suis ravi de t’avoir rencontré à Bagdad. Tu me parais bien digne de ce que j’ai fait pour toi. »

J’étais si touché des sentiments qu’il me marquait, que bien loin d’en abuser, j’allais au-devant de tout ce qui pouvait lui faire plaisir. Au lieu de chercher les gens de mon âge, je lui tenais bonne compagnie. Je ne le quittais presque point.