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LES MILLE ET UN JOURS

rien pour le découvrir, et ils vous l’enlèveront. Pour prévenir ce malheur, vous n’avez qu’à suivre mon exemple. J’ai toujours, de même que mon aïeul et mon père, exercé ma profession et joui de ce trésor sans éclat. Nous n’avons point fait de dépense dont le monde ait été surpris. »

Je ne manquai pas de promettre au marchand que j’imiterais sa prudence. Il m’apprit dans quel endroit était le trésor, et il m’assura que quelque grande idée que je pusse me former des richesses qu’il renfermait, je les trouverais encore plus considérables que je ne me les représenterais. En effet, après que ce généreux vieillard fut mort, et que, comme son unique héritier, je lui eus rendu les derniers devoirs, je pris possession de tous ses biens dont cette maison faisait une partie, et j’allai voir le trésor. Je vous avouerai, seigneur, que j’en fus étonné. S’il n’est pas inépuisable, il est du moins si riche que je ne saurais l’épuiser, quand le ciel me laisserait vivre beaucoup plus longtemps que les autres hommes. Aussi, loin de tenir la promesse que j’ai faite au marchand, je répands partout mes richesses. Il n’y a personne dans Basra qui n’ait senti mes bienfaits. Ma maison est ouverte à tous ceux qui ont besoin de moi, et ils s’en retournent tous contents. Est-ce posséder un trésor que de n’oser y toucher ? Et puis-je en faire un meilleur usage que de l’employer à soulager les malheureux, à bien recevoir les étrangers, et à mener une vie délicieuse ?

Tout le monde s’imagina d’abord que j’allais me ruiner une seconde fois. « Quand Aboulcasem, disait-on, aurait tous les trésors du commandeur des croyants, il les dissiperait. » Mais on fut fort étonné dans la suite, lorsqu’au lieu de voir dans mes affaires