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CONTES ORIENTAUX

le moindre désordre, elles paraissaient, au contraire, devenir de jour en jour plus florissantes. On ne concevait pas comment je pouvais augmenter mon bien en le prodiguant.

Je faisais pourtant tant de dépenses, qu’enfin je soulevai contre moi l’envie, comme le vieillard me l’avait prédit. Le bruit se répandit dans la ville que j’avais trouvé un trésor. Il n’en fallut pas davantage pour attirer chez moi des gens avides. Le lieutenant de police de Basra me vint voir. « Je suis, me dit-il, le daroga[1], et je viens vous demander où est le trésor qui vous fournit de quoi vivre avec tant de magnificence ? » Je me troublai à ces paroles, et demeurai tout interdit.

Il jugea bien à mon air éperdu que les discours qu’on tenait de moi dans la ville n’était pas sans fondement. Mais au lieu de me presser de lui découvrir mon trésor : « Seigneur Aboulcasem, continua-t-il, j’exerce ma charge en homme d’esprit. Faites-moi quelque présent qui soit digne de ma discrétion, et je me retire. — Combien me demandez-vous ? lui dis-je. — Je me contenterai, me répondit-il, de dix sequins d’or par jour. » Je lui répliquai : « Ce n’est pas assez, je veux vous en donner cent. Vous n’avez tous les jours ou tous les mois qu’à venir ici, et mon trésorier vous les comptera. »

Le lieutenant de police fut transporté de joie, lorsqu’il entendit ces paroles. « Seigneur, me dit-il, je voudrais que vous eussiez trouvé mille trésors. Jouissez tranquillement de vos biens. Je n’en troublerai jamais la possession. » Il toucha par avance une grosse somme et s’en alla.

  1. C’est-à-dire lieutenant de police.