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CONTES ORIENTAUX

répandit des larmes, et ne croyant pas devoir continuer son voyage, il retourna sur ses pas.

Dès qu’il fut arrivé à Bagdad, il se rendit au palais avec le courrier. La tristesse qui paraissait sur leur visage fit comprendre par avance à l’empereur qu’ils avaient quelque malheur à lui annoncer. « Ah ! Giafar, s’écria le prince, vous voilà bientôt de retour. Que venez-vous m’apprendre ? — Commandeur des croyants, lui répondit le vizir, vous ne vous attendez pas sans doute à la triste nouvelle que je vais vous dire. Aboulcasem n’est plus. Depuis votre départ de Basra, ce jeune homme a perdu la vie. »

Haroun-al-Raschid n’eut pas plutôt ouï ces paroles, qu’il se jeta de son trône en bas. Il demeura quelques moments étendu par terre sans donner aucun signe de vie. On se hâta de le secourir, et quand on l’eut fait revenir de son évanouissement, il chercha des yeux le courrier qui venait de Basra, et l’ayant aperçu, il lui demanda sa dépêche. Le courrier la lui présenta. Le prince la lut avec beaucoup d’attention. Il s’enferma ensuite dans son cabinet avec Giafar. Il lui montra la lettre du roi de Basra. Après l’avoir relue plusieurs fois, le calife dit : « Cela ne me paraît pas naturel. Le roi de Basra et son vizir me sont suspects. Au lieu d’exécuter mes ordres, ils auront fait mourir Aboulcasem. — Seigneur, dit à son tour Giafar, le même soupçon me vient dans l’esprit, et je serais d’avis qu’on les fit arrêter l’un et l’autre. — C’est à quoi je me détermine dès ce moment, reprit Haroun. Prends dix mille chevaux[1] de ma garde ; marche à Basra. Saisis-toi des deux coupables et me les amène ici. Je veux venger la mort du plus généreux de tous

  1. Dix mille cavaliers.