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CONTES ORIENTAUX

moi, chéri et protégé du commandeur des croyants, j’e n’ai pas besoin de couronne. Je suis au-dessus des rois. »

Le calife, pour récompenser le prince Aly du service qu’il avait rendu au fils d’Abdelaziz, lui envoya des patentes, et le fit roi de Basra. Mais trouvant Aboulfatah trop coupable pour lui accorder la liberté avec la vie, il ordonna que ce vizir serait enfermé dans une tour obscure pour le reste de ses jours. Quand le peuple de Bagdad sut que c’était l’offensé lui-même qui avait demandé la vie de l’offenseur, on donna mille louanges au jeune Aboulcasem, qui partit peu de temps après pour Basra avec sa chère Dardané, tous deux escortés par des troupes de la garde du calife, et suivis d’un très grand nombre d’officiers. »

Sutlumemé finit en cet endroit l’histoire d’Aboulcasem Basry. Toutes les femmes de la princesse de Cachemire lui donnèrent de grands applaudissements. Les unes louèrent la magnificence et la générosité du jeune homme de Basra ; les autres prétendaient que le calife Haroun-al-Raschid n’était pas moins généreux que lui. D’autres enfin, ne s’attachant qu’à la constance, disaient qu’Aboulcasem avait été un amant très fidèle. Alors Farrukhnaz, prenant la parole, dit : « Je ne suis pas de votre sentiment ; peu s’en est fallu que Balkis ne lui ait fait oublier Dardané. Je veux qu’un amant, si la mort lui enlève sa maîtresse en conserve toujours un si tendre souvenir, qu’il soit incapable d’une passion nouvelle ; mais les hommes ne se piquent pas d’une si grande constance. — Pardonnez-moi, madame, dit Sutlumemé ; on en a vu dont la fidélité ne s’est jamais démentie. Vous en serez persuadée, si vous voulez entendre l’histoire de