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CONTES ORIENTAUX

Mes amis, leur dit-il, vous m’avez vu dans la prospérité, et vous me voyez présentement dans la misère. J’ai recours à vous ; aidez-moi à me relever de ma chute ; souvenez-vous des offres de services que vous me faisiez quand vous étiez à ma table. Je ne doute point que vous ne soyez touchés de l’état où je suis, et que vous ne fassiez quelques efforts pour m’en tirer. C’est ainsi que le malheureux Couloufe tâchait d’exciter la reconnaissance de ses amis, et de les engager à le secourir. Mais il parlait à des sourds. Les uns lui disaient qu’ils étaient fâchés de le voir dans une situation si déplorable, et se contentaient de prier le ciel d’avoir pitié de lui. Les autres ajoutant la dureté à l’ingratitude, lui refusaient jusqu’à la consolation de le plaindre, et lui tournaient le dos. « Ô faux amis, s’écria-t-il, que votre procédé dur et ingrat me punit bien d’avoir été assez crédule pour m’imaginer que vous m’aimiez véritablement. »

Le fils d’Abdallah, encore plus pénétré de douleur d’avoir été la dupe de la fausse amitié de ses compagnons de débauche que d’avoir dissipé tout son bien, résolut de s’éloigner de Damas où il avait tant de témoins de son infortune. Il prit la route du pays des Keraïtes et se rendit à Caracorum où régnait alors Cabal-Kan. Il alla loger dans un caravansérail, où de ce qui lui restait d’argent il se fit faire une robe et un turban de toile des Indes. Il passait les journées entières à se promener dans la ville. Il allait dans les jardins voir tout ce qu’il y avait de plus curieux ; et sitôt que la nuit approchait, il se retirait dans son caravansérail.

Un jour il entendit dire que le roi des Keraïtes se préparaît à faire la guerre ; que deux rois de ses voisins, qui lui payaient tous les ans un tribut considérable