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LES MILLE ET UNE NUITS,

d’un autre homme, monta à cheval, chargé de la caisse, et s’arrêta dans la campagne pour exécuter son ordre. Mais je fis si bien par mes prières et par mes larmes, que j’excitai sa compassion. « Allez, me dit-il, sortez promptement du royaume, et gardez-vous bien d’y revenir ; car vous y rencontreriez votre perte, et vous seriez cause de la mienne. » Je le remerciai de la grâce qu’il me faisoit, et je ne fus pas plutôt seul, que je me consolai d’avoir perdu mon œil, en songeant que j’avois évité un plus grand malheur.

» Dans l’état où j’étois, je ne faisois pas beaucoup de chemin. Je me retirois en des lieux écartés pendant le jour, et je marchois la nuit, autant que mes forces me le pouvoient permettre. J’arrivai enfin dans les états du roi mon oncle, et je me rendis à sa capitale.

» Je lui fis un long détail de la cause tragique de mon retour et du triste état où il me voyoit. « Hélas, s’écria-t-il, n’étoit-ce pas assez d’avoir perdu