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CONTES ARABES.

je laisse à considérer à votre Majesté si après avoir perdu la princesse Nourounnihar, qui avoit été l’unique objet de mes souhaits, je pouvois me résoudre à être témoin du bonheur du prince Ali. Si j’eusse été capable d’une indignité de cette nature, qu’eût-on pensé de mon amour à la cour et à la ville, et qu’en eût pensé votre Majesté elle-même ? L’amour est une passion qu’on n’abandonne pas quand on le veut : elle domine, elle maîtrise, et ne donne pas le temps à un véritable amant de faire usage de sa raison. Votre Majesté sait qu’en tirant ma flèche, il m’arriva une chose si extraordinaire, que jamais elle n’est arrivée à personne : savoir, qu’il ne fut pas possible de trouver la flèche que j’avois tirée, quoique dans une plaine aussi unie et aussi dégagée que celle des exercices de chevaux ; ce qui fit que je perdis un bien dont la possession n’étoit pas moins due à mon amour, qu’elle l’étoit aux princes mes frères. Vaincu par le caprice du sort, je ne perdis pas le