Page:Les Partisans, numéro 2, 1900.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 69 —

nale, Japon, Allemagne, Hongrie, fouilles de Delphes, le geste de Sada-Yacco, dépassa, comme foire, l’ignominie supportable. Les attractions, depuis la fille Eugénie Buffet, vomissant l’argot des lupanars où fleurit son primevère jusqu’aux manoirs à l’envers et autres sottises babyloniennes furent pour lever le cœur aux plus intempérés. Ces spectacles n’amusent que ceux qui les organisent.

Ce sont jeux de princes, qui n’amusent que ceux qui les font.

Ainsi l’Académie française ancillaire déjà, comme François Coppée, Thureau-Dangin, Houssaye ou Albert Vandal, donnait gravement cet exemple du mot jeu, dictionnairant devant Christine de Suède qui venait de faire assassiner Monaldeschi.

La bise de novembre met en déroute la grande prostitution, éparpille des branches mortes sur ses échoppes désertes. La farandole tourne en danse macabre : la féerie absurde s’achève en myriologue. Voici le défilé des morts qui n’ont jamais vécu. Le Pithécanthropus ouvre la marche avec Robert de Montesquiou, dernier cri du pithécien. Derrière lui, faiseurs, journaleux, ingénieurs homicides cravatés de rouge. Les demi-hommes, les demi-femmes, les femmes-hommes, les hommes-femmes, les brasseries de Sodome et celles de Lesbos, l’Escarbot, le Hanneton, tant de bouges unisexsuels à qui les plus sales insectes fournissent avec bonheur une enseigne éponyme, décorent la procession de leurs appels ambigus. Ça sent le rance et l’eau de toilette, le cold-cream et l’odeur des pieds, avec le fauve du nègre et le moisi du mongoloïde. Emportés, balayés « comme la tente d’une nuit » passent, jeunes et vieux, les bourgeois ivres, hilotes de ce temps. Ils ont trouvé un art qui les représente et les résume en carton-pierre. La rue de Paris est à la Cité d’à-présent ce que le Parthénon fut pour Athènes. Écoutez ! Ce sont les adieux du siècle : un hoquet d’ivrogne, dans un bar œcuménique et polychrome que la faillite a visité. Voici le cortège des folies contemporaines, instructive et dernière exposition : l’antisémitisme, le retour au christianisme, l’expansion coloniale, le protectorat des missions. Leur galop final cabriole à travers les sections en désordre, les pavillons en ruine, les automobiles pavoisés en déroute. Vains débris, plâtras offensants, l’herbe des prochains avrils cicatrisera leurs honteux stigmates. Vienne l’Anarchie purificatrice, le règne de la science et de la raison, l’aube des anciens dieux chassant la nuit infâme, les croyances barbares qui nous étouffèrent trop longtemps. Quo vadis ? À la justice et à la vérité !