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femme crève de ses parturitions et les gosses de misère. Le prolétaire français fait autant d’enfants que M. Piot peut le désirer. Seulement on les tue, les filles à dix-sept ans, par la prostitution, la syphilis, les bonnes sœurs de Saint-Lazare ; les garçons, à vingt-quatre, par le service militaire et la criminalité.

Au restaurant chinois, dans un soir de crotte, de pluie et de brouillard j’ai vu mourir l’Exposition. Les Célestes étaient partis. Plus de potages aux nids d’hirondelle, plus de biche de mer aux crevettes, d’ailerons de requins, ni de pousses de bambou. Un garçon de Montargis en sifflet d’ébène servait dans la pièce déserte que ne rafraîchissent plus les éventails de soie, du turbot à la crème, du filet de bœuf, du canard rôti avec un entremet qui sortait manifestement de chez Bourbonneux. C’était navrant. Et par la baie obscurcie d’automnale vapeur, l’immonde tour Eiffel, le Château-d’eau épanouissaient leurs éclairages, tels des palais réalisés par quelque malicieux génie pour un clerc d’huissier en délire. Le Grand Bazar ferme dans la boue dont il ne s’est jamais absolument séché depuis l’ouverture si pluvieuse du mois de mai dernier.

Oncques mystification plus violente ne fut infligée à ses vassaux par un gouvernement ; la ville défoncée en ses plus belles parties, le fleuve tué, la navigation abolie, une ordure, le Pont-Alexandre III brisant l’harmonie des grandes arches parisiennes, Concorde, Pont-Neuf, etc. Les nationalistes aboient après l’Exposition ratée par le nationaliste Picard, désigné, il y a cinq ans, par Méline lui-même, leur garde champêtre et leur manitou. C’est leur mégalomanie, leur désir napoléonien de rabaisser l’Europe qu’il faut incriminer. Les ingénieurs, les « artistes » de la patrie française sont les auteurs de ce demi-succès – tout préparé déjà lorsque le ministère Millerand en a fait l’incommode héritage. Les « protecteurs » ont fomenté le désastre. Le rançonnement des concessionnaires par le commissariat général entraînait le rançonnement du client par le concessionnaire. Paris s’est soumis, comme d’habitude. Il ne faut que voir la docilité des gens qui attendent l’omnibus pour comprendre ce qu’on peut exiger de l’obéissance parisienne. Mais la province a regimbé, donnant un grand exemple. Les ruraux, les « pétrousquins » ont mis dans un panier leur jambon de Pâques et sur les bancs croustillé ; de quoi on ne saurait trop leur faire compliment.

L’Exposition, musée et foire, admirable en tant que musée : cente-