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Page:Les Révélations de l’écriture d’après un contrôle scientifique.djvu/194

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une expérience sur des écritures de criminels.

dette à la société. » Cette affirmation de principes qui s’appliquait, dans le cas présent, à la mémoire de Tropmann, m’a beaucoup frappé. M. le procureur général voulut bien ajouter qu’il consentirait à m’ouvrir des dossiers s’il était couvert par un ordre de son chef, le garde des sceaux. Il m’invita donc à m’adresser à ce dernier. Je ne me rendis pas à cette invitation. Je compris la gravité d’une pareille démarche, qui pouvait avoir une portée incalculable pour l’honneur de Messieurs les assassins, et je ne voulus pas troubler la paix profonde où dorment les décapités[1].

Les documents écrits sur lesquels les experts ont eu à travailler, présentent une abondance très variable. Il y a toujours un minimum de huit lignes d’écriture ; quelquefois beaucoup plus, vingt lignes et davantage. Les experts se sont plaints quelquefois de l’insuffisance de la documentation, et ils n’avaient pas tout à fait tort ; mais ce n’était pas ma faute ; j’étais bien obligé de me contenter de ce qu’on m’envoyait.

Les lettres d’assassins avaient parfois un contenu caractéristique, ou bien significatif.

Il suffirait d’en lire certaines pour être au fait. Vidal, dans la page de mémoire qu’on me communique de lui, raconte un de ses assassinats, sans aucune émotion, et avec un peu de littérature. Au moment décisif il croit bon d’ajouter : « Un nuage rouge passa devant mes yeux. » Tilloy qui fait le récit complet de sa vie, donne aussi sans l’ombre de réticence le détail de plusieurs de ses assassinats.

Dans les autres lettres, les sujets traités sont différents. Ce sont des suppliques, des demandes à des avocats, des réclamations, ou des aveux et des dénégations, parfois des lettres, à des parents et à des protecteurs, lettres contenant des allusions au régime de la prison, ou un étalage hypocrite de sentiments tendres qui est tout à fait dans la note pénitentiaire. J’ai atténué du mieux que j’ai pu ces révélations en recouvrant avec des morceaux de carton, les parties de texte qui

  1. M. Crépieux-Jamin craint que certains documents provenant d’assassins n’aient été écrits longtemps avant l’assassinat. « Car enfin, dit-il, il s’agit de savoir si vous nous avez donné à étudier des écritures d’assassins, ou bien celles de gens qui devaient le devenir. Ce n’est pas la même chose. Nous n’avons pas à prévoir le crime. » Je raccourcis la discussion, parce que je puis, d’un mot, rassurer M. Crépieux-Jamin ; tous les documents que je lui ai communiqués sont postérieurs au crime, c’est de l’écriture de prison.