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Page:Les Révélations de l’écriture d’après un contrôle scientifique.djvu/199

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le caractère dans l’écriture.

le concours de circonstances matérielles qui sont indépendantes du caractère de l’agent, et qui auraient pu manquer. Un sceptique pourrait même prétendre que l’écriture ne recèle pas plus le crime commis qu’elle ne pourrait indiquer qu’on a une tante dans le commerce ou un neveu dans la magistrature. Ce serait exagéré ; mais on peut du moins aller jusqu’à dire que la matérialité du crime est une résultante dans laquelle le milieu joue un rôle aussi important que l’agent [1].

Ceci posé, quelle conduite allons-nous tenir vis-à-vis des experts ? Qu’allons-nous réclamer d’eux, quand nous leur montrerons de l’écriture d’assassin ? et comment jugerons-nous leurs solutions ? Nous pouvons employer deux procédures ; en fait, nous les emploierons toutes deux.

La première consiste à rapprocher le modèle et son portrait graphologique et à décider si le portrait est ressemblant. À quelle condition le sera-t-il ? On ne peut pas demander au graphologue de déclarer devant une écriture : cet homme a tué, puisque le meurtre est un fait empirique et non un trait de caractère ; et s’il ne fait pas cette reconnaissance, on ne peut pas le taxer d’erreur. Cependant celui qui conclurait que le scripteur est capable d’assassiner ou d’avoir assassiné mériterait la palme ; de même, il faudrait louer celui

  1. Sans être un grand devin, je prévois à quels assauts je m’expose de la part des graphologues, lorsqu’ils discuteront ma méthode de contrôle. Il est à peu près certain qu’ils ne verront pas entre l’écriture des criminels et celle des honnêtes gens des différences aussi grandes que celles qui existent réellement entre les personnages ; tout ce que nous savons de la psychologie et de l’expérimentation nous permet de le prédire. Par conséquent, pour atténuer leurs erreurs, ils auront une tendance à chicaner ces différences de moralité et à soutenir, avec la finesse et l’entrain qu’on trouve toujours lorsqu’on plaide pour sa propre cause, que les assassins ne sont pas toujours aussi criminels qu’il en ont l’air, et que les honnêtes gens sont moins honnêtes qu’on ne croit. M. Crépieux-Jamin, dans les lettres qu’il m’a écrites, a déjà esquissé ce commencement de défense : « Un crime, écrit-il, est un fait possible dans des conditions morales extrêmement variées. On n’est guère assassin par profession, on l’est parfois sans être de moralité très basse. Il y a des brutes qui n’ont jamais eu affaire avec la justice, et des gens très intéressants qu’un moment d’oubli a jetés au bagne. » M. Crépieux-Jamin a l’esprit trop averti pour donner en plein dans cette manière de plaider ; mais malgré lui, en quelque sorte, il cherche à réhabiliter mes criminels. Je citerai plus loin quelques exemples piquants de son indulgence. Il ne m’en voudra pas de les lui signaler. C’est un homme d’esprit, et avec lui on s’entend toujours. Une remarque à ce propos. En relisant mes pages, je constate que c’est avec lui que je discute le plus, lui que je prends à parti, comme s’il était le seul à se tromper ! C’est juste le contraire qui est exact. Il est celui qui s’est trompé le moins souvent, et dont les solutions sont non seulement les plus justes, mais les plus fines. Ceux qui se sont trompés le plus souvent, en réalité, ce sont ceux que je ne nomme pas, et avec lesquels je ne discute pas, usant ainsi d’une discrétion dont j’espère qu’ils me sauront gré.