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LES RAVAGEURS

aura la farine, et le cultivateur le son. Il faut donc, avant la moisson, donner un coup d’œil attentif au champ et reconnaître si les alucites le fréquentent. Quand on voit au coucher du soleil de petits papillons voltiger autour des épis, le désastre est imminent si l’on n’y met bon ordre. Il est indispensable alors de ne pas laisser trop longtemps la récolte en meules, et de dépiquer le blé au plus tôt ; sinon les alucites réfugiées dans l’épaisseur des gerbes se propagent avec une rapidité calamiteuse.

Pour en finir, regardez maintenant la teigne des blés. C’est encore un fléau des greniers, un destructeur redoutable, malgré ses apparences inoffensives. Elle est un peu plus grande que l’alucite. Ses ailes supérieures sont tigrées de noir, de brun et de gris ; ses ailes inférieures sont teintées de noir. Elle dépose ses œufs sur le blé en grenier. Les chenilles qui en proviennent sont d’un blanc jaunâtre, très alertes sur leurs petites pattes. Leur manière de vivre diffère de celle des alucites. La chenille de la teigne trouve qu’il ne fait pas bon de marcher sur le blé dur, cela lui meurtrirait la peau. Il lui faut une maison portative, quelque chose comme la demeure de l’escargot, où, quand un danger menace, elle puisse en entier rentrer. Avec des fils de soie qu’elle bave, elle colle autour de son corps autant de grains de blé qu’il en faut pour lui former une espèce d’étui, d’où la tête seule sort avec les pattes de devant. À mesure que la chenille grandit, la maison ambulante est amplifiée aux dépens de nouveaux grains de blé. Ce n’est pas tout : le fourreau de blé sert plus que de demeure, il sert de provisions de bouche. La