Page:Les Ravageurs, Jean-Henri Fabre.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
110
LES RAVAGEURS

droite, toutes les chenilles d’un même cordon, l’une après l’autre, tournent à droite ; quand elle tourne à gauche, toutes, l’une après l’autre, tournent à gauche. Si elle s’arrête, la procession entière s’arrête, mais de proche en proche, la seconde d’abord, puis la troisième, la quatrième, la cinquième, et ainsi de suite, jusqu’à la dernière. On dirait des troupes bien dressées qui, défilant en ordre, s’arrêtent au commandement de halte et serrent les rangs.

L’expédition, simple promenade ou bien voyage à la recherche des vivres, est maintenant terminée. On est arrivé bien loin, fort loin du nid. L’heure presse de retourner à la maison. Comment retrouver le gîte à travers les gazons, les broussailles et tous les accidents du chemin que l’on vient de parcourir ? Se laissera-t-on guider par la vue, que borne une maigre touffe d’herbe ? par l’odorat, que des émanations de toute nature peuvent mettre en défaut ? Non, non ! Les chenilles processionnaires ont mieux que tout cela. Voici ce qu’elles font pour ne pas s’égarer et retrouver leur domicile après une lointaine expédition.

Nous pavons nos routes de cailloux concassés, les chenilles mettent plus de luxe dans leur voirie : elles étalent sur leur chemin un tapis de soie, elles ne marchent que sur la soie. Elles filent continuellement en voyage et collent leur soie tout le long du chemin. On voit, en effet, chaque chenille de la procession abaisser et relever alternativement la tête. Dans le premier mouvement, la filière, située à la lèvre inférieure, colle le fil sur la voie que suit la procession ; dans le second, la filière laisse couler le