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LES RAVAGEURS

Jules. — Cela ne m’étonne plus si le vent a cassé mon beau lilas ; voyez, la tige est toute creuse.

Paul. — Aussi l’arbuste n’aurait pas tardé à périr, même sans l’accident de cette nuit. À peine aurait-il eu le temps d’épanouir ses fleurs. Le coup de vent n’a fait qu’accélérer sa perte.

Émile. — Je vois bien le ravage, mais où est le ravageur ?

Paul. — Il est dans sa cachette, tout au fond du conduit.

Et, prenant sa grosse serpette, l’oncle Paul fendit la tige en deux. Un gros ver apparut à l’extrémité du canal bourré de grossiers tampons de sciure. Voilà le coupable, fit l’oncle, et il secoua la tige. Le ver tomba à terre.

Émile. — Fi ! l’affreuse bête, qui tue les lilas !

Émile levait déjà le pied pour écraser la chenille, quand l’oncle l’arrêta.

Paul. — Attendez, mon petit ami. Je vous ai promis un autre lilas. Si vous désirez le conserver longtemps, ne convient-il pas de connaître la chenille qui pourrait un jour ou l’autre le faire périr comme le premier ? ne convient-il pas de savoir l’histoire du détestable ver pour lui faire avantageusement la guerre et débarrasser le jardin de cette engeance ?

Chacun fut de l’avis judicieux de l’oncle. Au lieu d’écraser niaisement la bête, il valait bien mieux l’examiner d’abord pour savoir comment elle est faite, comment elle vit, et comment elle s’introduit dans le bois. On pourrait ainsi plus tard prévenir ou arrêter ses dégâts. Un ennemi dont on connaît les moyens d’action est à demi vaincu. Paul prit donc