soir, on eût pris le bourdonnement de leurs ailes pour le roulement lointain des tambours. Enveloppés par la nuée d’insectes, aveuglés par cette grêle vivante, les habitants y voyaient à peine pour se conduire. La famine fut horrible ; les malheureux Irlandais en étaient réduis à manger les hannetons. »
Jules. — Eh bien, Émile, le moment eût été mal choisi de chanter : « Vole, vole ! »
Paul. — Maintenant, que dites-vous de ceci ? C’est moins lamentable que la famine de l’Irlande, mais de nature à vous renseigner sur les prodigieuses légions de hannetons en certaines années. En 1832, dans le voisinage de Gisors, une diligence fut enveloppée le soir par une nuée de hannetons. Les chevaux aveuglés, terrifiés, refusèrent opiniâtrement d’avancer. Il fallut rebrousser chemin : la nuée bourdonnante barrait la route à l’attelage. — Il y a une trentaine d’années, après avoir ravagé les vignobles des environs, les hannetons s’abattirent sur Mâcon. On les ramassait dans les rues à pelletées ; pour circuler, il fallait s’ouvrir un passage dans la nuée par de rapides moulinets de canne.
L’oncle ferma le livre. Personne ne dit mot en faveur du hanneton ; ils avaient tous compris que c’est là un ennemi des plus redoutables, avec lequel il faut très sérieusement compter.