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LES RAVAGEURS

prit parmi ses livres un grand journal à couverture bleue ; puis il lut ce qui suit à haute voix.

Paul. — « La multiplication des hannetons a pris cette année, 1868, sur plusieurs points de la France, mais particulièrement en Normandie, des proportions qui ont jeté l’épouvante dans les campagnes. Ce que ces insectes ont causé de ravages est à peine croyable. Dans la plupart des communes, les arbres ont été dépouillés entièrement de leurs feuilles. Le soir, l’air en était encombré à tel point qu’on pouvait à peine circuler. Presque partout des battues ont été organisées, et les ramasseurs recevaient de la mairie de 4 à 6 francs par cent litres de hannetons. À Fontaine-Mallet, près du Havre, en quatre jours on a recueilli 4.059 kilogrammes de hannetons. L’instituteur s’est mis à l’œuvre avec ses élèves ; 440 kilogrammes de hannetons ont été le fruit de la chasse d’un jeudi. Tous ces insectes ont été voiturés au Havre à pleins chariots et jetés à la mer. En beaucoup de localités, on les apportait en si grand nombre aux mairies, qu’on ne savait plus qu’en faire ; l’atmosphère en était empestée. À Rouen, en plusieurs endroits, chaque matin on les réunissait par tas, on les couvrait de brindilles, de feuilles sèches, de ronces et d’épines, et l’on y mettait le feu. »

Paul. — Écoutez encore. Voici ce que dit un autre livre :

« En 1668, les hannetons détruisirent toute la végétation d’un comté de l’Irlande, à tel point que la campagne avait l’aspect mort de l’hiver. Le bruit de leurs mandibules broutant le feuillage des arbres ressemblait au sciage d’une forte pièce de bois ; le