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LES RAVAGEURS

de brun, de noir et de bronzé, et marquées au milieu d’un trait argenté rappelant la forme d’un Y.

Pour en finir, je vous parlerai de la noctuelle de la betterave, la plus importante à connaître à cause des dégâts énormes qu’elle fait parfois en agriculture. Sa chenille vit dans la terre, à la manière des larves du hanneton ; et avec ses robustes mandibules, elle ronge la racine des plantes, spécialement celle de la betterave. On ne la voit jamais sur les feuilles, jamais sur les tiges. Si de nuit elle abandonne ses galeries souterraines et vient à la surface, c’est pour voyager et choisir un meilleur emplacement, mais non pour grimper sur les plantes, ce qu’elle ne ferait d’ailleurs que très difficilement, à cause de ses pattes peu aptes à saisir. Les agriculteurs lui donnent le nom de ver gris. Elle est lisse, luisante, d’un vert grisâtre avec deux rangées transversales de petites verrues noires et surmontées d’un cil, sur chaque anneau du corps. Pour se métamorphoser, elle se construit dans la terre une petite loge dont elle consolide les parois avec un peu de soie. Le papillon a les ailes inférieures blanches, et les ailes supérieures brunes ou fauves, avec trois lignes transversales ondulées et des taches noirâtres.

Cette noctuelle est parfois d’une abondance calamiteuse dans les grandes plantations des betteraves à sucre. Ces dernières années, elle a fait des ravages pour plusieurs millions dans divers départements de la France, surtout dans ceux du Nord et du Pas-de-Calais. Pour peu que l’on creusât au pied de la première betterave venue, on trouvait à poignées le ver gris rongeant la chair sucrée de la racine. En