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LES ANIMAUX VENIMEUX

Paul. — Louis avait raison. Tous les serpents dardent entre leurs lèvres, avec une extrême vélocité, un filament noir, très flexible et fourchu. Pour beaucoup de personnes, c’est l’arme du reptile, le dard ; mais en réalité, ce filament n’est autre chose que la langue, langue tout à fait inoffensive, dont l’animal se sert pour happer les insectes dont il se nourrit et pour exprimer à sa manière les passions qui l’agitent en la passant rapidement entre les lèvres. Tous les serpents, sans exception, en ont une ; mais dans nos contrées, la vipère seule possède le terrible appareil à venin.

Cet appareil se compose d’abord de deux crochets ou dents longues et aiguës placées à la mâchoire supérieure. Ces crochets sont mobiles. À la volonté de l’animal, ils se dressent pour l’attaque ou se couchent dans une rainure de la gencive, et s’y tiennent inoffensifs comme un stylet dans son fourreau. De la sorte, le reptile ne court pas le risque de se blesser lui-même. Ils sont creux et percés vers la pointe d’une fine ouverture par laquelle le venin se déverse dans la plaie. Enfin, à la base de chaque crochet se trouve une petite poche pleine de liquide venimeux. C’est une humeur d’innocent aspect, sans odeur, sans saveur ; on dirait presque de l’eau. Quand la vipère frappe de ses crochets, la poche à venin chasse une goutte de son contenu dans le canal de la dent, et le terrible liquide s’infiltre dans la blessure.

La vipère habite de préférence les collines chaudes et rocailleuses ; elle se tient sous les pierres et dans les fourrés de broussailles. Sa couleur est brune ou roussâtre. Elle a sur le dos une bande sombre en