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LES PUCERONS

engloutira des centaines. Et si, bien autrement rapace, un ver expressément créé et mis au monde pour vous manger vivants se met de la partie, ah ! mes pauvres pucerons, que Dieu, le bon Dieu des petites bêtes vous protège, car votre race est bien en péril !

Ce mangeur est d’un vert tendre, avec une raie blanche sur le dos. Il est effilé en avant, renflé en arrière. Quand il se ramasse sur lui-même, il prend, la forme d’une larme. Il s’établit au milieu du stupide troupeau de pucerons. De sa bouche pointue, il en saisit un, le plus gros, le plus dodu : il le suce et rejette la peau, trop dure pour lui. Sa tête pointue s’abaisse encore, un second puceron est saisi, soulevé de la feuille et sucé. Vient le tour d’un autre, puis d’un autre, d’un dixième, d’un vingtième. L’imbécile troupeau, dont les rangs s’éclaircissent, n’a pas même l’air de s’apercevoir de ce qui se passe. Le puceron happé gigote entre les crocs du ver ; les autres, comme si de rien n’était, continuent paisiblement à sucer la sève de la feuille. Ils mangent en attendant d’être mangés. Le ver est repu. Il s’accroupit sur le troupeau pour digérer à l’aise. Mais la digestion est bientôt faite, et déjà le ver goulu couve de l’œil ceux qu’il croquera tantôt. Après une quinzaine de jours d’un festin continu, après avoir brouté pour ainsi dire des troupeaux entiers de pucerons, le ver se change en une élégante mouche bariolée de jaune et de noir appelée syrphe.

Est-ce tout ? Oh ! que non. — Voici maintenant la coccinelle, la bête à bon Dieu. Elle est ronde, rouge, avec sept points noirs. Elle est bien gentille, la petite