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LES RAVAGEURS

relève à demi ses ailes, qui sont sèches et rugueuses, et les frotte vivement bord contre bord. Les autres insectes qui chantent font à peu près comme le grillon. La sauterelle des vignes, à gros ventre vert et jaune, a sur le dos deux écailles rondes qui s’emboitent et frottent l’une dans l’autre. C’est son instrument de musique. D’autres sauterelles jouent du violon, c’est-à-dire qu’elles frictionnent le bord rude de leurs ailes avec leurs grosses cuisses en guise d’archet. La cigale a sous le ventre, au fond d’une double cavité que protègent des couvercles pouvant plus ou moins se soulever, deux pellicules sèches et luisantes, tendues à la manière de la peau d’un tambour. On les appelle miroirs. La cigale chante en les faisant trémousser dans leurs boîtes.

Émile. — La courtilière fait-elle cri-cri comme le grillon ?

Paul. — Non. Son chant est un bruit monotone, une sorte de bourdonnement aigu, assez doux et continuel.

Émile. — Et pourquoi chante-t-elle, la courtilière ? Quelle laide bête avec ses petits yeux rusés, ses ailes écourtées, son gros ventre et ses affreuses pattes de devant !

Paul. — Elle chante pour charmer sa solitude, pour appeler sa compagne. Vous la trouvez laide ; moi, je la trouve admirablement outillée pour le métier qu’elle doit faire. Elle vit dans la terre, à la manière des taupes ; et, comme les taupes, elle est armée d’un instrument spécial pour fouiller le sol et trancher les racines qui lui barrent le passage. Avez-vous jamais regardé les pattes de devant de la taupe ? Ce