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L’INSTINCT

s’en nourrit. Quand la digestion en a extrait l’infiniment peu de matière nutritive qu’ils contiennent, ils sont rejetés en arrière, moulés en crottins. Et c’est bientôt fait, la digestion d’une chenille ; jugez donc : le bois est nourriture si maigre ! Aussi le ver avance toujours, dépeçant, rongeant, digérant. Il lui faut une forte branche de poirier, la tige d’un lilas, pour acquérir les graisses nécessaires à la future métamorphose.

L’abondance de la vermoulure rejetée en arrière du couloir trahit quelquefois les ravages de la chenille. Quand on voit sortir par un point de l’écorce, sur un poirier, un pommier ou autres arbres, un peu de cette vermoulure résidu de la digestion, l’ennemi est à l’œuvre, et sans hésiter il faut abattre la branche attaquée, pour prévenir des ravages plus grands. Si la chenille n’est pas trop loin, on peut encore introduire un fil de fer pointu dans l’ouverture et tâcher de tuer la bête dans son gîte. Mais comme la galerie est fort tortueuse, ce moyen est loin de réussir toujours.

Jules. — Ne pourrait-on introduire le fil de fer par une seconde ouverture ?

Paul. — Mais, mon petit ami, vous ne songez pas que la chenille a ses ruses et qu’elle se garde bien d’ouvrir d’ici et de là des fenêtres à son logis, ce qui faciliterait l’attaque de ses ennemis ; car elle en a, et beaucoup, outre l’homme. Qu’elle s’avisât, par exemple, de sortir un peu à l’air, histoire de prendre le frais, et un moineau l’apercevrait peut-être et l’emporterait pour donner la becquée à sa nichée sous les tuiles du toit. Tous ces dangers, elle les sait ou